2022-C-Jn 3, 16-21 - mercredi de la 2e semaine du temps pascal- des incroyables croyants
Année C : mercredi de la 2e semaine de PÂQUES (litcp02me.22)
Jn 3, 16-21 ; Ac 5, 17-26 : sommes-nous des incroyables croyants ?
Vous avez entendu parler des influenceurs ? Ce sont des personnes qui se présentent comme des experts en motivation ou en marketing. Ces personnes sont des références en leur domaine, entretiennent des activités sociales intenses sur les réseaux sociaux, sont des leaders d’opinion appréciés des jeunes générations et ont beaucoup de followers, d’adeptes, de « suiveurs ». Ils sont des maîtres de la flaterie et de fake news aussi. Ils cherchent à briller d’un vernis vite effacé par une autre mode. Ils sont des experts pour bien emballer le vide. Leur travail consiste à influer sur l’opinion des gens et leur comportement.
Ce qui inquiétait justement les gardiens du Temple était de réaliser que les apôtres étaient des influenceurs. Ils étaient des incroyables croyants[1]. Dans la lecture des Actes, il est question de leur rayonnement. Ces influenceurs-apôtres bien différents de ceux d’aujourd’hui, ne vendaient rien, refusaient tout prosélytisme. Ils n’annonçaient pas un bon Dieu qui va te punir ni un Père daron comme disent les jeunes, en colère et menaçant de peines éternelles un peuple qui se tourne vers des idoles. Pour eux, pas question de condamner : Dieu n’a pas envoyé son fils pour juger le monde (Cf. Jn 3, 17). Ces influenceurs-apôtres, d’authentiques incroyables croyants, ne se souciaient pas de savoir si leur message était orthodoxe ou pas, s’il respectait les « dogmes » de l’époque.
Ces influenceurs-apôtres n’avaient qu’un message : faites vie nouvelle. Leur message : vous avez fait mourir le maître de la vie et Dieu l’a relevé de la mort et nous en sommes témoins (Cf. Ac 2, 32), bouleversait beaucoup de monde. Leur authenticité, confirmée par des gestes comme redonner à marcher à un paralytique, étonnait. Il annonçait au peuple ce qui concerne la vie nouvelle (Cf. Ac 5,20).
Cet appel, à faire vie nouvelle, a pour pierre de fondation la puissance d’accueil (François d’Assise) et non l’exclusion de la « foi des autres ». Sur toutes les tribunes, ils présentaient un Dieu en mode déconfinement. Ils invitaient à sortir de la religion un discours incroyable sur Dieu, un discours qui confinait les gens en posant des bornes à son rayonnement, qui enfermait Dieu dans des « cases » notables de la société. Ils annonçaient un « Dieu différent », un Dieu qui déchaîne les prisonniers-apôtres de leur prison, qui dépasse les bornes en refusant de s’enfermer dans les murs du Temple, préférant plutôt sortir de la bergerie à la recherche d’une écervelée (Cf. Lc 15,4). Leur message faisait Pâques dans le quotidien des gens.
Paul fut l’un de ces apôtres-influenceurs d’une attitude nouvelle quand il reconnait la dignité de la foi des autres, quand il accueille leur esprit religieux : Athéniens, je peux observer que vous êtes, en toutes choses, des hommes religieux. En me promenant et observant vos monuments, j’ai même trouvé un autel au dieu inconnu (Cf. Ac 17, 22-23). Il ne les condamne pas, même si les rues d’Athènes étaient pleines d’idoles (v.16). Il sait voir le désir de Dieu caché dans leur cœur.
Ces apôtres-influenceurs n’avaient qu’une seule arme : ils donnaient la parole aux actes. Que dois-je faire, Seigneur, demanda Paul sur la route de Damas ? Cette question rejoignait celle de Nicodème comment est-ce possible de renaître (Cf. Jn 3, 9) qui reprenait autrement celle de Marie (Cf. Lc 1, 34).
Et si aujourd’hui, nous devenions à notre tour dans ce monde qui abandonne des images de Pâques irrecevables et non Dieu lui-même, des incroyables croyants qui offrent le même message que ces influenceurs-apôtres : faites vie nouvelle. Et si aujourd’hui l’incroyable croyant, l’incroyable Église, recherchait la « bonne parole » sans en diminuer le sens, adaptée à gens profondément blessés, à une société laïque traversée par des cultures diverses, cela ferait de nous des disciples-influenceurs.
Cela exige de tenir un discours qui délaisse un langage figé dans un lointain passé et basé sur des « croyances » qui ne font plus sens pour celui plus motivant de rejoindre ce Dieu inconnu dont les gènes sont indéracinables en chacun des humains. C’est le discours que Jésus a lui-même tenu devant ces disciples pour vous qui suis-je ?
La question est de se demander : mon agir, montre-t-il ma foi ? Ma vie parle-t-elle plus fort que mon discours, que mon enseignement sur Pâques ? Si je ne fais pas les oeuvres de mon Père, ne me croyez pas. Mais si je les fais, quand même vous ne me croyez point, croyez à ces œuvres (Cf Jn 10,38). Amen.
[1] Titre d’un livre de Jan de Bartraloumé, éditions MédiaPaul, 2021.