2021-C-Lc 4, 1-13- dimanche 1ière semaine du CARÊME- redevenir humain
Année C : dimanche 1ière semaine du CARÊME.
Lc 4, 1-13. Redevenons humains.
J’ouvre ce temps du carême par ces mots d’un docteur de l’Église Grégoire de Nazianze : ne restons pas ce que nous sommes, devenons qui nous étions. L’homme Jésus, pas le Jésus divin de notre Credo qui fait abstraction du Jésus d’avant Pâques, l’humain Jésus nous fait un beau cadeau ce matin.
Il ouvre nos vies sur autre chose que les biens matériels, sur autre chose que d’avoir toujours plus, sur autre chose que de rechercher les honneurs et les premières places. Il nous ouvre à quelque chose de beau : faire de la place à l’autre. Le péché, mot inconnu pour plusieurs aujourd’hui, conduit à vivre pour soi et seulement pour soi.
Jésus nous éveille à l’humain. Il nous apprend que refuser les tentations, c’est grandir un humanité. Chaque être humain porte en lui les gènes de Dieu. Si je suis un vrai humain, pas celui qui se referme sur lui-même, pas celui qui ne vit que pour se satisfaire, je deviens semblable à Jésus. L’humanité de Jésus est le premier des sacrements, écrit Maurice Zundel. Jésus est si profondément humain que la foule pressent, ressent profondement qu’il vient de Dieu. On observant comment vit Jésus, la foule sentait en lui une force divine. Jésus montre que résister aux tentations de ne vivre que pour soi, rend beau. Nous rend divins, de vrais fils de Dieu, de vrais chrétiens.
Nous avons besoin de beaucoup de temps pour nous éloigner des tentations à ne pas vivre en parfait humain. C’est une guerre jamais complétée. Se dire chrétien et vivre en chrétien sont deux choses différentes. Nous voulons tous faire du bien, c’est humain, mais pas de l’accomplir. Ce qui est à ma portée, c’est de vouloir le bien, mais pas de l’accomplir : je ne fais pas le bien que je voudrais, et je commets le mal que je ne voudrais pas (Rm 7, 18s).
La guerre à gagner est celle de refuser de vivre seulement pour soi. Attention : Jésus ne résiste pas aux tentations de Satan parce qu’il est Dieu. Ce qui est beau dans ce récit des tentations, c’est le refus de l’humain Jésus de vivre uniquement pour lui-même. J’entends souvent dire que ce fut facile pour Jésus de résister aux offres de Satan puisqu’il était Dieu. C’est une fausse interprétation des tentations de Jésus au désert. Satan offre à Jésus de détruire l’humain qu’il est. Si tu es fils de Dieu, tu n’agiras pas comme les humains. Jésus, l’humain Jésus, celui de Nazareth, refuse le projet de Satan en s’appuyant sur des textes bibliques qu’il avait longuement prié, médité.
Le message des tentations est clair : l’humain en nous ne doit pas détruire le divin en ne vivant que pour soi. Le divin en nous ne doit pas annuler notre capacité humaine et la beauté de dire non à des comportements moins qu’humains. Si nous agissons en refusant des comportements inhumains, nous redevenons ce que nous étions. Notre nature profonde cache une bonté inattaquable. Paul affirme très fort quiconque agit en humain est sauvé (Rm10,13). Et cela ne s’applique pas seulement aux chrétiens.
Comment être humain comme Jésus ? Comment être extension et continuation (Jean Eudes) de Jésus ? Réponse : en priant, lisant l’Écriture. Tout près de toi est la Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur. Le carême est un appel à regarder ce qui remue dans nos cœurs en regardant vivre Jésus et en vivant comme lui.
Le temps qui s’ouvre n’est pas pour devenir parfait. C’est impossible. Il nous questionne sur comment se porte notre devenir Jésus, notre devenir extension et continuation de Jésus, tout en sachant que nous ne sommes pas des anges [et que] ce qui nous est naturel, c’est de nous relâcher (Thérèse d’Avila). Il faut avancer sans cesse et défaillir sans cesse (Ruysbroeck). L’appel de Jésus nous élève au-delà de nous-mêmes pour nous enfoncer en lui.
C’est en souffrant nos imperfections que nous apprenons à devenir Jésus. Cela passe et passera toujours par l’accueil de nos pauvretés, de nos indigences, par notre réconciliation avec nos failles surtout lorsqu’elles sont très opaques et par le courage créatif d’être ses ambassadeurs. Nos failles exigent que Jésus ne s’éloigne pas de nous. Cela s’appelle se convertir. C’est vivre en exode vers Pâques. AMEN.