2022-C-Mc 9, 38-40- mercredi de la 7e semaine du temps ORDINAIRE- l'heure du peuple de Dieu
Année C : mercredi de la 7e semaine ordinaire (litco04me.22)
Mc 9, 38-40 : Voici l’heure du peuple de Dieu.
En invitant le peuple catholique tout entier non à refaire l’Église, mais à marcher dans un esprit synodal, le pape François et ce sera sans doute le legs majeur de son pontificat, poursuit ses efforts pour rappeler que notre première et fondamentale consécration prend ses racines dans notre baptême […] et que nul n’a été baptisé prêtre ou évêque[1]. Dans cette même lettre au cardinal Ouellet, il parle de l’heure des laïcs en ajoutant il semble que l’horloge se soit arrêtée. Le pape n’hésite pas à parler du peuple saint des fidèles de Dieu. Il invite même à avoir confiance en notre peuple, en sa mémoire et son flair.
La seule grande question à nous poser au moment où l’Église rencontre de fortes vagues, est comment rester animé par l’esprit de Jésus alors que les premiers disciples, - nous venons de l’entendre dans l’évangile de Marc, - s’en sont éloignés. Il n’appartient pas à notre groupe. Pour Jésus, il ne faut pas détenir un membership catho pour faire le bien. Annoncer Jésus n’est pas la propriété privée des prêcheurs, de docteurs, de quelques savants, lui qui dit des choses simples et directes (Jean Onimus). Une tentation qui est de toutes les époques, la nôtre aussi, est de briller de notre propre lumière, c’est-à-dire de nous enfermer dans notre groupe et de nous auto préserver[2]. Cette tentation a le visage du communautarisme, du repli sur soi, de la fermeture aux opposants de la foi.
Écoutons le malaise de Jésus aux réactions des siens. Ne les empêchez pas. L’attitude des disciples, leur peur viscérale de la concurrence, de se faire voler le vedettariat du bien, ne reflète en rien son esprit d’ouverture, œcuménique. Plus important encore, Jésus leur dit en utilisant des mots diplomatiques que personne ne possède en exclusivité la capacité de déterminer ce qui est bien ou pas. Personne ne peut se prévaloir d’être propriétaire exclusif du bien. Jésus rejette leur attitude de soif du pouvoir. Il leur refuse de se présenter devant les autres comme les seuls interprètes de ce qui est bien ou pas.
Aujourd’hui, la méfiance est grande envers ceux qui avec acharnement et usant de leur autorité, réduisent au silence ceux qui ont quelque chose à dire, mais qui ne sont pas de notre groupe. Le pape Benoît XV1 qui avait la réputation de peser chaque mot, offrait cette réflexion en visitant une paroisse romaine que l'on cesse de considérer les laïcs comme des collaborateurs du prêtre pour les reconnaître réellement coresponsables de l'être et de l'agir de l'Église. Ils sont de mauvais serviteurs ceux qui, imbus de leur « aura » et de leurs privilèges d’hommes de Dieu, d’hommes d’État, pensent être des défendeurs de la vérité sur ce qu’est le bien.
Une telle attitude (se croire les seuls capables d’identifier ce qu’est le bien) cache une tendance très actuelle de désirer tout contrôler, d’avoir du pouvoir sur les autres. Les disciples expriment haut et fort qu’ils se sentent mandatés d’être les seuls évaluateurs de ce qui est bien. Ils se prononçaient pour Jésus, mais dans leurs agirs, ils servaient leur ego. Nous disons par des mots que nous voulons servir Dieu et les autres, mais dans nos actes nous cherchons la première place. Quand nos actes contredisent nos paroles, cela s’appelle de la déloyauté. Nous avons tous tendance à « discipliner » les autres qui ne pensent pas comme nous.
L’histoire de l’Église ne manque pas d’exemples de personnes, hors clergé et apparemment sans poids social, qui ont bouleversé l’institution. Songeons à Catherine de Sienne (1347-1380) — tertiaire dominicaine et surtout femme à une époque où celle-ci pèse si peu dans la vie de l’Église — elle a lutté pour rénover en douceur une Église en décroissance morale et spirituelle, et surtout de sombrer dans le Grand Schisme d’Occident (1378-1417) où parfois trois papes, revendiquaient le siège de Pierre avec les désordres que l’on devine.
À votre contemplation. Marcel Légaut, ce penseur chrétien, disait partout où il prenait la parole – et je le cite de mémoire - l’Église naîtra si elle vit d’une façon semblable à celle de son départ. Et comme point de départ, Jésus indique une direction : n’empêchez pas. Amen.