2022-C-Mc 10, 13-16-samedi de la 7e semaine du temps ORDINAIRE- ferment d'anti-culture
Année C : samedi de la 7e semaine ordinaire (litco07s.22) 28
Mc 10, 13-16 ; Jc 5, 13-20 : Jésus, ferment de l’anti-culture. enfant royaume
Vous avez bien entendu, Jésus nous décrit son grand rêve. En appelant à laisser les enfants venir à lui, il nous montre en quoi consiste son royaume. C’est l’arrivée d’une contre-culture ou l’annonce d’une anti-culture. Le grand signe de l’arrivée de son royaume est un changement radical qu’il présente dans son attitude d’ouverture aux enfants. Jésus change l’histoire avec les plus simples des humbles, les enfants. Quand nous saisissons cela, il est facile de comprendre pourquoi les élus politiques et religieux le pourchassent jusqu’à désirer sa disparition.
En appelant les enfants à lui, Jésus appelle à passer d’une culture par en haut, d’une culture de recherche des honneurs, de domination vers une culture par en bas. En appelant des minables, des enfants, Jésus cherche à faire naître quelque chose de nouveau. Jésus se fait le promoteur d’une culture ferment de vie.
Qu’est-ce qu’un ferment ? C’est une chose sans grande apparence comme une graine de sénevé, mais qui enfoui dans la pâte en permet sa transformation en lui offrant les ingrédients pour qu’elle porte un beau fruit comme le levain transforme la pâte en pain.
Il faut entendre Jésus dans son appel à laisser venir à moi les enfants définir le cœur de son message. Il se fait semeur d’une culture par en bas, d’une culture d’enfouissement. Sa naissance dans une grotte annonce justement cette contre-culture qui a visage de l’arrivée de son royaume.
À vrai dire, Jésus n’invente rien de nouveau. Cette culture de l’en bas, cette culture du ferment coure tout au long de l’histoire biblique. Songeons à Abraham pars loin de ton pays. L’appel lui propose de décroître pour croître, la croissance par la décroissance, de perdre pour gagner, de s’effacer pour mieux éclairer. Il devient le père de ceux qui ne croient plus que la vie se trouve dans la possession, la puissance et la gloire. Et Dieu, précise le texte, bénit Abraham. Toutes les familles de la terre seront bénies en toi.
Pars. Ce petit mot est la pierre fondatrice, le ferment du royaume. Pour attester la naissance de cette culture de délestage Dieu va jusqu’à demander à Abraham d’immoler son fils, de ne plus être seigneur des humains par sa puissance, mais serviteur des humains. Désormais tous ceux qui quitteront une culture d’en haut, une culture de pouvoir pour celle d’en bas, sont les bénis de son royaume.
Regardons Moïse, nom égyptien qui signifie « enfant », qui a affronté la puissance d’une culture pharaonique avec un simple bâton de pèlerin. Regardons les prophètes, ils sont des voix désarmées de puissance devant les puissants rois qui écrasaient le peuple.
Jésus se situe dans cette lignée. Son appel des enfants n’inaugure rien de nouveau. À bien lire l’Évangile, Jésus se présente comme un tueur de la culture d’en haut. Il se situe dans la lignée de l’anti-culture, lui le manzer, né hors mariage. Son grand projet de royaume, celui d’humaniser les humains, passe par son désir de rompre avec la puissance, la domination, l’envie de tout contrôler. Son appel à laisser venir les enfants à lui exprime d’une belle manière comment Jésus se définit en plus de d’être pierre fondatrice de son royaume.
Les enfants sont les ferments d’un autre avenir que celui de tout bâtir sur la puissance. Jésus ne désire pas que les habitants de son royaume soient des promoteurs d’une culture par en haut. Il ne bâtit pas son royaume sur la sécurité de la toute-puissance.
Franchement, n’avons-nous pas trahi, détourné, déformé cette vision millénaire de Jésus ? Si l’évangile est une heureuse nouvelle, une bonne annonce, une donnée toute neuve, elle se trouve dans ce message. Les porteurs du rêve de Jésus sont les enfants, les sans-logis, les sans-papiers, tous les « sans » qui dérangent l’existence. Là où notre œil ne voit que misère, abaissement, culture de déchets, Jésus y voit le signe de l’arrivée de son royaume.
À quelques jours de notre entrée en carême, quelle est la place de cette culture d’en bas dans nos vies ? François en lançant ce grand projet d’une Église agissante en mode synodal et dont le peuple baptismal est la seule pierre solide, fait de cette culture le chemin qui modèlera l’Église. AMEN.