2022-C-Mc 9, 2-13 -samedi de la 6e semaine ORDINAIRE- il fait céleste par devant
Année C : samedi de la 6e semaine ordinaire (litco06s.22)
Mc 9, 2-13 : il fait céleste par devant.
Jésus, en invitant ses proches disciples sur la montagne du Thabor, enlève le boisseau qui cache la lampe pour la mettre sur le lampadaire (Mt 5,13-16). Nous passons à côté du sens de ce rendez-vous sur la montagne, si nous n’y voyons pas qu’il s’agit pour Jésus d’un moment clé, d’un moment fort, d’un tournant dans sa vie. Expérimentant qu’il est dans le Père et que le Père est en lui, qu’il est fils bien-aimé du Père, expérimentant une intense communion intime avec la voix qu’il entend, Jésus est transfiguré.
Ce passage sur le Thabor ne présente pas un « autre Jésus ». En entendant une voix venant du ciel (2 P 1,18), Jésus prend conscience de son identité. De sa mission aussi. Il découvre qu’il est le chemin, la vérité et la Vie. Un psaume (4) anticipe ce rendez-vous : il nous fait voir le bonheur… son visage s’illumine pour nous.
L’humain Jésus, le fils de Joseph et de Marie, expérimente son être profond. Il vit une profonde et marquante rencontre, une expérience mystique, transformante, bouleversante avec son Père, moment unique qui le marquera pour le reste de sa vie. Pour Jésus, le Thabor est une rencontre-sommet dans sa recherche de communion avec son Père qui connaîtra des phases « dormantes » comme l’atteste son cri pourquoi m’as-tu abandonné.
En entendant qu’il est le fils bien-aimé, Jésus progresse en intimité avec le Père. Des témoins attestent que Jésus n’est pas sous l’effet d’une drogue, qu’il n’est pas médicamenté ni dans une phase ecstasy. Nous avons entendu nous-mêmes cette voix qui venait du ciel lorsque nous étions avec lui sur la montagne (2P.1, 17-18).
Les disciples sont atterrés, projetés à terre. Ils refusent d’envisager que Jésus soit déséquilibré, hystérique, fou. Longtemps, ils conservent en eux ce qu’ils ont vu. Longtemps comme Marie, ils gardent, ruminent cette parole entendue : tu es mon fils bien-aimé avant d’écrire des années après : ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, nous vous l’annonçons. (Cf. 1 Jn 1,1-2).
Nous parlons beaucoup de la transfiguration des apôtres. N’oublions pas qu’elle est aussi la sienne. Ce matin, c’est moins notre transfiguration que celle de Jésus dont il s’agit de contempler. Sur la montagne, Jésus éprouve dans tout son corps, en présence de ses trois disciples, qui il est. Le transfiguré Jésus anticipe qu’il sera bientôt défiguré. Chez Marc, cette rencontre ouvre la seconde partie de son évangile.
Aujourd’hui, c’est nous que Jésus amène sur la montagne pour nous faire participer à sa joie de découvrir son identité qui nous inonde de sa beauté profonde, beauté source de toute beauté, qui nous illumine de sa vérité et qui nous fait goûter toute sa bonté pour nous. Désaltéré de notre soif de voir cette beauté, séduit par sa bonté de nous révéler son être profond et comblé de reconnaître sa vérité, s’ouvre un appel, comme l’écrit le poète Patrice de la Tour-du-Pin des mots tellement grandioses qu’ils nous laissent sans mots : criez-le, mais criez-le : il fait céleste par-devant !
Quelle rencontre que celle de Jésus avec son Père ! Elle fut la première de nombreuses autres comme celle de Paul sur la route de Tarses ; comme celle de François avec le lépreux. Il y a eu la nôtre. La vie n’est que rencontre perpétuelle. Elle n’est que mouvement, que déplacement, qu’une marche vers l’A(a)autre. Jésus n’est pas sorti indemne de sa rencontre sur le Thabor. Sa vie fut transfigurée.
Ce serait une grave erreur de penser que ce qui a été éprouvé une fois ne le sera jamais plus. Il y aura toujours à ne jamais s'arrêter, écrit le poète René Char. Ce récit de la transfiguration est un appel à vivre la même transformation, la même transfiguration que celle de Jésus. Cela commence en entendant surgir de nos profondeurs une voix, l’ami intime, qui nous dit : tu es mon fils bien-aimé, en toi j’ai mis toute ma confiance. AMEN.