Ajouter un commentaire

Année C : samedi de la 3^er semaine ordinaire (litco03s.22)   

Mc 4, 35-41 :  imploser ou exploser ?     

Cet épisode de la tempête apaisée redit ce que la foi proclame : Jésus est libérateur de l’humanité. Il est venu nous sortir d’une vie sans vision autre que la mort. Mais se demande Michel Barlow[1], Jésus est-il venu pour nous délivrer ou nous libérer ? On libère un prisonnier de sa prison. On délivre un otage retenu injustement. Selon la définition du dictionnaire, il serait préférable de dire que sur la mer agitée, Jésus délivre ses disciples. Il les guérit de leur peur de périr.

Si les évangélistes nous rapportent cette scène, c’est qu’elle dégage un message à ne pas oublier. Au regard de l’évangile, cette tempête n’est pas l’abomination de la désolation (Cf. Dn 11, 31). C’est le commencent de la foi. Ne faisons-nous pas l’expérience qu’une tragédie, qu’une annonce de la mort d’un proche parent ou ami, contribue souvent à réveiller en nous le Christ qui dort. La foi s’enracine quand nous éprouvons le besoin d’une présence qui nous soutienne.

Utilisons une image. Au lendemain d’une tempête dévastatrice, les secouristes ramassent des dépris dans toutes les directions. Quand il se produit une déflagration, une explosion, les débris se retrouvent partout, quelquefois à des kilomètres plus loin.

Aujourd’hui en présence d’une profonde tempête que vit l’Église, les chrétiens préfèrent imploser, se regrouper pour se protéger, de demeurer centrés sur la défense des institutions et des structures (pape François, Budapest 2021) plutôt que d’exploser comme le semeur de l’évangile, des graines de foi dans toutes les directions. 

Qui voit actuellement la tempête qui fragilise de toute part la barque Église comme un moment de grâce ? Elle permet aux chrétiens d’exploser dans toutes les directions, d’atterrir sur toutes les terres pour semer aux quatre vents, des germes de vie évangélique, des germes de solidarité, de fraternité, de dignité pour tous, de droits humains.

Les évangélistes rapportent le geste du semeur qui fait exploser et répandre dans toutes les terres des graines de liberté, des graines qui ne seront jamais périmées. Ce geste du semeur fut perçu comme dénué de sens pour les gardiens de la loi et du Temple. Il contient tout le projet d’évangélisation de Jésus qui explosait sur toutes les routes, un projet de royaume plutôt que d’imploser dans un repli protectionniste.

Ce n’est pas facile d’aller de l’avant à cause du vent contraire, de ramer contre les vagues. Personne ne peut nier que les vagues sont meurtrières aujourd’hui. Les vagues extérieures sont fortes. Les vagues qui viennent de l’intérieur sont plus dommageables. L’Église se méritera toujours le reproche, écrit John Newman, d’être la mère de fils indignes. Il y en a qui sont bons, d’autres moins bons, voire mauvais.   

Jésus, se reposant au milieu d’une mer agitée, indique une manière sereine de vivre. Des vents opposés, il y en aura constamment. Pour les affronter, il faut seulement de solides fondations, uniquement réveiller le Christ qui dort en nous, mais il est présent. Quand nous crions vers Lui, il peut faire des merveilles. Les apôtres se remirent en marche vers l’autre rive.

La tempête comme ce le fut pour les disciples, c’est le déclic, le kairos à saisir pour renipper notre rencontre avec Jésus. Elle nous maintient en mode exode, « en sortie », selon les mots du pape François, qui nous réveille de notre endormissement. Toute tempête nous fait renaître dans la foi en renouant un dialogue cœur-à-cœur avec le Christ qui a profité d’une tempête agitée pour réveiller ses disciples.

À votre contemplation : je paraphrase Madeleine Delbrel : tous les bruits (tempêtes) qui nous entourent font beaucoup moins de tapage que nos bruits (tempêtes) intérieurs. AMEN