2022-C-Jn 3, 22-30- samedi après L'EPIPHANIE- répudions la logique des places.
Année C : samedi après l’épiphanie (litcn02s.22).
Jn 3, 22-30; 1 Jn 5, 14-21- répudions la logique des places.
S’adressant aux membres de la Curie romaine en décembre dernier, le pape dans ses vœux à ses proches collaborateurs, leur parlait d’une tentation à éviter, celle d’un cléricalisme pervers qui s’insinue parmi nous et qui nous fait toujours penser à un Dieu qui parle seulement à certains, tandis que les autres doivent seulement écouter et exécuter[1]. Il invitait ses collaborateurs à se convertir à vivre en mode synodale.
C’est la tentation à laquelle ont succombé les disciples de Jean-Baptiste qui s’inquiétaient de voir quelqu’un qui n’était pas de leur bord, baptiser et attirer beaucoup de monde à lui. Le voilà qu’il baptise et attire beaucoup de monde à lui. Jean ne partage pas la réaction de ses disciples. Jésus dira dans un passage semblable rapporté par Marc (Mc 9, 38) : n’empêchez pas.
Autant Jean-Baptiste que Jésus refuse de penser en terme ami/ennemi, nous/eux, dedans/dehors. Il refute une mentalité de concurrence, une attitude de ratatinement, de protectionnisme, de repliement sur son petit univers à protéger contre des forces vives extérieures. Les deux disent un non catégorique à empêcher le monde extérieur à diffuser la bonne nouvelle. C’est en favorisant son explosion et non son implosion que la bonne nouvelle se répand morceau par morceau dans toutes les directions.
Quelle belle nouvelle d’humilité pour nous qui entrons en mode synodal ! L’évangéliste Jean reproche aux disciples de Jean-Baptiste de favoriser ce qu’une sociologue appelle la logique des places, bien ancrée dans nos mentalités. Cette logique dite identitaire, dangereuse, recherchée, cache des germes d’intolérance, de racisme, de repli belliqueux, de revendication de ses propres intérêts. Selon cette logique, qui se ressemble s’assemble.
Le péché, ce mot presque imprononçable aujourd’hui, dont parle Jean dans la lecture et que l’on ne retrouve que très rarement chez Matthieu, Luc ou Marc, a un visage : une perte de relation, une non-relation aux autres, à l’Autre. C’est une brisure de relation.
Le rêve de Jésus est nous voir refuser la tentation d’ériger murs et barbelés entre croyants. Jésus refuse l’option de vivre en ghetto parce que cela engendre un cortège d’exclusion des autres. Jamais, dans les écrits évangéliques ne voyons-nous Jésus condamner celui qui parle de lui sans être avec lui. Aujourd’hui, il y a une dangereuse tyrannie de la ressemblance qui semble aller de soi ; tyrannie de prendre le même chemin, d’utiliser le même langage dogmatique pour dire sa foi. Regardons l’attitude libératrice de Jésus.
L’appel de l’évangile entendu est simple. Soyons modestes, ne nous prenons pas pour sauveur, ne brisons pas la fragile relation entre vous. Diminuons notre emprise sur les autres. Nous ne sommes pas propriétaires exclusifs de Dieu. N’empêchons pas ce parent, ce voisin qui se tient dehors, à distance d’une pratique dominicale, d’exprimer ses doutes, ses questionnements. Il se pourrait qu’il ne soit pas très loin de l’évangile et même qu’il soit dans l’évangile. Alors que nous entrons comme Église en mode synodal, collégiale, leurs questionnements devraient nous aider à marcher ensemble.
La seule grande question à se poser me semble être comment rester animés par l’esprit de Jésus, attentif aux défis de notre temps, ne manifestant n’aucune attitude triomphaliste, n’étant pas obsédé par les chiffres, le nombre de baptêmes annuel ? Jésus rêvait de quelque chose comme marcher ensemble.
Il « rêvait » de disciples capables d’enlever leurs armures, de délaisser les vêtements de leur charge[2]; de disciples capables d’une nouvelle manière de vivre, marquée à tous les niveaux par l'écoute mutuelle, par une coexistence pacifique ; capables d’un nouveau style de leadership non vertical, mais horizontal ; capables de ne pas se sentir menacés quand d’autres ont des réflexes évangéliques.
C’est en se vidant de nous-mêmes, en diminuant dit saint Jean, que nous deviendrons une Église en mode synodale, une Église où tous, un mot pas difficile à comprendre, devenons une Église de l’écoute, de l’écoute mutuelle, de l’écoute de l’Esprit de Jésus qui nous veut tous, clercs et laïcs, dans la communion de notre dignité de baptisés, responsables de sa bonne nouvelle. AMEN.
1]https://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2021/december/documents/20211223-curiaromana.html
[2] ibid