2021-B- Lc 12, 8-12 -samedi de la 28e semaine ORDINAIRE- se risquer d'être chrétien
Année B samedi de la 28e semaine ordinaire (litbo28s.21) 16 oct.
Lc 12, 8-12 ; Rm 4, 13.16-18 : se risquer d’être chrétien.
C’est un appel à une prise de risque que nous venons d’entendre. Risquer d’affirmer notre foi en Jésus n’est pas de tout repos. C’est autre chose qu’une décision casse-cou, que de faire du sur-place, que de mourir à petit feu, que de s’enfoncer dans une vie routinière. Refuser le risque, c’est vivre sans horizon. La vie se renouvelle dans le risque.
Aujourd’hui, beaucoup disent connaître Jésus, mais ne le reconnaissent pas. Nous sommes comme ces villageois écoutant Jésus dans le temple (Cf. Mc 6, 1-6). Tu n’es que le fils de Joseph. Il y a une différence entre savoir et reconnaître. On peut savoir, connaître diverses choses sur une personne, se faire une idée sur elle. C’est une connaissance superficielle, ordinaire, par ouï-dire, faite souvent de préjuger. Quand on a des idées toutes faites sur quelqu’un, il n’est pas facile de changer d’avis. Augustin disait : j’ai peur de ne pas te reconnaître, Seigneur.
Nous connaissons Jésus par sa mort horrible, offerte pour nous sauver. C’est la reconnaissance de la manière d’agir de Jésus d’avant Pâques, du Jésus historique qui donne au Jésus d’après Pâques sa vraie notoriété. Le Jésus d’avant Pâques est un ministre de libération. Un vrai sauveur. Il s’engage avec la sagesse que lui reconnaissent les gens dans le temple à restaurer la dignité de chaque personne. Il s’oppose ouvertement à une culture religieuse et politique qui exclue beaucoup de monde, aux intégristes de la loi qui « possèdent » la vérité, aux propriétaires fonciers qui réjouissent les responsables du Temple en versant beaucoup d’argent dans les troncs (Cf. Mc 12, 41-44). Il confronte ceux qui oppriment ses contemporains. Ce Jésus-là est « sauveur ».
Le Jésus d’avant Pâques dérange beaucoup de monde par ses prises de position devant la situation chaotique d'une société marquée par des inégalités, génératrice d'exclusion et d'intolérance. Il en a payé le prix. Souvent, ce qui s’affiche dans nos mémoires, c’est le Jésus venu du ciel nous sauver du mal. Les exégètes nous font découvrir que le Jésus d’avant Pâques est le plus humain des humains.
Humain, Jésus passe sa vie à ébranler des structures inhumaines de rejet des « pas corrects » au regard de la loi. Le pape François reconnait dans une homélie que nous avons rangé depuis longtemps notre enthousiasme et nos rêves[1] devant le projet de fraternité, de solidarité qui marque la vie de Jésus. Chaque dimanche, notre Credo nous présente le Jésus d’après Pâques. Il passe sous silence son combat pour la dignité de chaque personne. Le Jésus d’avant Pâques nous montre de quel bois il se chauffe, au nom de quel Père il agit.
Aujourd’hui, ceux qui prennent position contre les entraves à la dignité humaine bafouée continuent le projet de Jésus qu’ils soient croyants ou pas. Ce qui est déplorable, c’est que beaucoup attendent que les choses changent sans rien faire pour changer la situation. C’est une belle imposture, une belle façon de se désister, de connaître Jésus sans le reconnaître. La question fondamentale de tout croyant est de se demander : qu’est-ce que je fais pour changer des choses ? Ce qui est tragique, c’est que le vaste rêve de Jésus qu’il appelle son royaume ne peut sortir de terre sans nous. Que la foi a besoin de notre foi pour sortir de terre.
Les cours de catéchèse éduquent au Credo. Ils n’éveillent que rarement à développer les dons que chacun possède pour allumer le feu sous la cendre. Chrétiens, nous sommes appelés à risquer l’invention d’une parole neuve, jamais entendue pour la majorité de nos proches. Qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas, ils sauront qu’il y a un chrétien au milieu d’eux (Cf. Ez 2,5).
À votre contemplation : Thérèse d’Avila s’interrogeait à savoir pourquoi Dieu l’a choisie. Elle s’entend répondre : sers-moi sans te demander pourquoi (Cf. 7e demeure). Ce qui s’applique à Abraham s’applique aussi à nous. Je fais de toi l’ancêtre d’une foule de croyants. AMEN.