2021-B- Mt 13, 24-30 -samedi 16e semaine ORDINAIRE -mauvaise herbe
Année B : samedi de la 16e semaine ordinaire (litbo16s.21)
Mt 13, 24-30 ; Ex 24, 3-8 : mauvaise herbe semée dans le champ.
A la lecture de ce passage de Matthieu, une évidence m’apparaît incontournable, il n’y a pas de sol pur-sang, parfaitement intact de toute pollution. Les sols peuvent apparaître asymptomatiques. Il faut se méfier d’un sol en apparence en parfaite santé, d’un sol dont la beauté extérieure fascine. Il cache toute une vulnérabilité dont il faut se méfier. Tous les cœurs sont habités par Dieu.
La tentation est grande de se laisser séduire par le mirage des animaleries (Thérèse d’Avila) qui rôdent autour des coeurs. Tous les sols possèdent quelque chose de la beauté de Dieu. Ils ont reçu la même qualité d’ensemencement et ont tous besoin d’être travaillés, entretenus, même s’ils sont tous vaccinés contre le virus de l’infertilité.
Lisons bien. Écoutons bien. Jésus affirme clairement qu’aucun champ ne doit être regardé comme une poubelle. La parabole révèle quelque chose de Dieu. L’ivraie ne rend pas le champ irrécupérable. En invitant à ne pas arracher trop vite l’ivraie, Jésus pose un regard de collapsologie, cette science qui promeut que tout est récupérable. Il est plus important de préserver ce qu’il y a de bon que de détruire l’ivraie. La qualité de sa semence prévaudra sur l’ivraie. Plutôt que de se lamenter, Jésus a côtoyé l’ivraie avec compassion.
Jésus invite ses disciples, chacun de nous, à éviter des attitudes, des jugements trop hâtifs qui pourraient détruire à jamais ce qui peut devenir un beau terrain fertile. La vulnérabilité des champs saute aux yeux. La vulnérabilité actuelle de l’Église saute aux yeux. Jésus porte sur ses disciples un regard salutaire, un regard, je dirais, sanitaire d’un bon responsable d’hôpital de campagne. N’arrachez pas. Le semeur n’est pas de mauvaise humeur devant l’ivraie. Il le voit comme un défi pour le collapsologue qu’il est.
Un chant alpin que le pape cite dans sa rencontre avec des étudiants en Lituanie en 2018, rejoint l’attitude du semeur-collapsologue : dans l’art de monter, le secret n’est pas de ne pas tomber, mais de ne pas rester à terre[1]. Recommencer toujours de nouveau et ainsi monter parce qu’un printemps se prépare.
En n’éliminant pas l’ivraie, Jésus entrevoit une renaissance, une résurgence de fertilité alors que ses disciples s’émeuvent de l’ivraie. Tous les champs possèdent l’engrais nécessaire pour combattre l’ivraie. L’explication de Jésus ouvre une réflexion sereine sur ce qui se déroule sous nos yeux. Et si l’ivraie était une chance, une grâce, un kairos, dit le théologien tchèque Tomas Halik, pour déconfiner nos regards !
Notre regard recevrait-il l’imprimatur de Jésus ? Nos yeux de disciples-missionnaires sont-ils des yeux marqués par la collapsologie ? Sommes-nous persuadés que tout est « sauvable », récupérable ? Nous oublions vite le regard de Dieu observant les déviances de son peuple : je les guérirai de leur infidélité (Os 14, 5), de leur infertilité. La lecture rapporte l’histoire d’une Alliance que rien ne brisera, pas même le pacte de son peuple avec un veau d’or.
Dans les bas-fonds de nos terres, de nos cœurs fascinés par autre chose que Dieu, le semeur a déposé une graine de vie non tuable. L’écologie du Royaume implique l’idée de refuser de jeter ce qui extérieurement ne vaut rien, c’est-à-dire, si l’on en croit Saint Paul, ce qui est sans charité (Cf. 1 Co 13, 2). L’entraide, l’autre nom de la charité, dont nous fûmes témoins durant la pandémie, surgit de tous les sols. La pandémie a déconfinée de nos regards étroits, souffrant de fixation sur les beaux fruits et ne percevant pas que tout est récupérable. Il y a de beaux fruits qui surgissent de tous les sols, même les plus asséchés par la mondanité.
Le semeur n’évitera jamais les terres en apparences non fertiles. Bien au contraire, il leur accordera plus de soin. Maître, dit le vigneron, laisse-le cette année encore ; je vais creuser la terre tout autour ; peut-être [y aurait-il] des figues l’année prochaine (Cf. Lc 13, 8).
Je termine par ces mots de l'écrivain russe Vladimir Soloviev : Le Christ a été le redresseur de l’humanité, moi, je dois être le bienfaiteur de cette humanité. Je donnerai aux hommes tout ce dont ils ont besoin. AMEN.
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