2021-B-Mt 5, 17-19 -mercredi 10e semaine ORDINAIRE- rebelles à l'Évangile
Année B : mercredi de la 10e semaine ordinaire (litbo10me.21)
Mt 5, 17-19 ; 2 Co 3, 4-11 : Sommes-nous rebelles à la loi de l’Évangile ?
Il y a une pandémie plus profonde qui devrait nous inquiéter, c’est celle du fondamentalisme, du sectarisme, du populisme qui soumet la foi à une épreuve d’une radicalité sans précédent. C’est un véritable séisme qui fragilise l’inouï de l’actualité de l’Évangile et lui enlève tout son sens. Celui qui se réfugie dans le fondamentalisme a peur de s’engager sur le chemin de la vérité et s’agrippe seulement à la vérité de la loi. Jésus s’est vivement opposé à ceux qui savent ce qu’il faut croire, mais qui n’ont pas la foi[1].Voici, je fais toutes choses nouvelles (Ap 21, 5). Dans sa venue, [le Christ] a porté avec lui toute nouveauté (Cf. EG n.11 citant St Irénée).
Jésus n’abolit pas les fondements de la loi, il la sauve du fondamentalisme qui la paralyse. Il n’a nulle part manifesté qu’il récuse la religion de son temps. Il désire seulement et j’utilise une expression forte du pape François, qu’elle soit un hôpital de campagne qui guérit les cœurs blessés en leur apportant compassion et miséricorde.
Un auteur québécois, Hector de Saint Denys Garneau, dit ce qu’est cet hôpital de campagne quand il écrit que le sage n’est pas celui qui s’affranchit des règles, mais celui qui les possède au point de pouvoir les dépasser. Avec Jésus, quelque chose commence qui prend possession de l’avenir (Jean Daniélou). Paul exprime cela aux Galates dans des mots très forts quand il leur demande de sortir de l’esclavage, de la servitude, de la dépendance de la loi de Moïse parce que leur foi au Christ les en a libérés.
Jésus revendique quelque chose de plus élevé qu’une observance rigide, souvent du tape-à-l’œil. Il nous sort d’une pratique de la religion sans âme. Jésus n’est pas un metteur en scène plein de vengeance parce qu’on a manqué la messe le dimanche, oublié de payer ses dîmes ou de réciter le chapelet tous les soirs comme l’enseignait la religion de notre enfance.
Il n’a légué à ses disciples ni rituel ni code législatif ni corpus doctrinal ni enseignement écrit, rien qu’ils n'auraient plus qu’à répéter et qu’ils devraient immuablement conserver. [Il nous a légués] la perpétuelle nouveauté d’une Bonne Nouvelle à annoncer, illustrée par des paraboles à déchiffrer inépuisablement[2].
Cette observation d’un théologien de grande réputation, Joseph Moingt, soulève une question : sommes-nous encore fidèles à l’esprit de Jésus ? Sommes-nous fidèles à l’Évangile ou préférons-nous les lois de l’institution Église ? Saint Ambroise, Père de l’Église, dit que là, où est le Seigneur, il y a la miséricorde. Il ajoute là où il y a la rigidité, il y a ses ministres. Il y a les chrétiens.
Il est souvent plus facile d’échanger sur notre foi avec des gens qui se disent non- croyants plutôt qu’avec des croyants pour qui la foi est consignée dans une lecture fondamentaliste des textes. Le pape François parle de croyants souffrants d’obsession névrotique. La foi se trouve dans le cœur des gens, habitant les « Galilée ». C’est là que vous le trouverez.
L’évangile déborde d’expressions d’intolérance au sujet de la pseudo-observance de la religion. Matthieu décrit (cf. Mt 23) les vives réactions de Jésus contre les astucieuses fictions des pharisiens et des scribes. Il priorise une vraie relation avec Dieu, la sincérité du cœur, exprimée par la cohérence de la pensée, de la parole et des actes plutôt qu’une pratique religieuse de façade.
Nous n’arriverons jamais, écrit Thérèse d’Avila, au terme du chemin si nous agissons de la sorte, si nous nous imaginons que nous avançons (par des sacrifices, des actes extérieurs), plaise à Dieu que j’en sois sortie (3e demeure, chap. 2). Il faut plus qu’être chrétien, fidèle observateur de la loi. Il faut être des « christiens », des disciples de la voie (Ac 9, 1-20), capables d’expérimenter une solide relation avec Jésus plutôt que de discourir sur lui.
La loi écrite mène à la mort, mais l’Esprit mène à la vie nous dit Paul dans la lecture. Posons-nous la question : sommes-nous comme individu et comme communauté chrétienne cette lettre de recommandation […] que tout le monde peut voir et lire (v.1) ? La loi du Christ, c’est nous comme le précise Paul, avec nos failles (1 Co 2, 3).
À votre contemplation : ne cherchons pas à être vacciné contre ce virus de la proximité que l’évangile appelle la loi nouvelle de l’amour. Cette loi nous propulse en avant, nous déstabilise tant elle est celle de l’esprit du christianisme (J. Moingt). AMEN.
Autres réflexions sur le même passage :
[1] http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/cotidie/2014/documents/papa-francesco-cotidie_20140221.html
[2] Joseph Moingt, croire quand même, Éditions Temps Présent, 2001, p. 58.