2021-B-Mc 12, 18-27 - mercredi 9e semaine ORDINAIRE- rechercher l'essentiel
Année B : mercredi de la 9e semaine ordinaire (litbo09me.21)
Mc 12, 18-27 ; Tb 3, 1-11.16-17a : À la recherche de l’essentiel
Le philosophe Nietzsche distingue deux catégories de personnes : les marcheurs et les sédentaires. Nous apprécions de longues marches dans la montagne. Nous désirons davantage être calés dans nos fauteuils.
Ce qui a marqué nos conversations en 2020, suite aux contraintes des confinements et des couvre-feux, fut de réaliser que ce qui est essentiel pour les uns ne l’est pas pour d’autres. Il n’y a pas ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Il n’y a que des itinéraires de réponse. Qui peut affirmer avec conviction ce qu’est l’essentiel ? La réponse n’est pas évidente. Seules les pensées que l’on a en marchant valent quelque chose (Nietzsche).
La question de l’essentiel a été posée, il y a fort longtemps par Aristote et tant d’autres. L’essentiel n’est pas à confondre avec l’indispensable. Il est indispensable d’avoir du sel dans une cuisine, mais ce n’est pas essentiel d’en mettre dans chaque recette. Pour y répondre, il faut se tenir loin d’une vie en mode « lazy-boy » où sécurité est le maître-mot. L’essentiel est le dépouillement de tout ce qui encombre nos souvenirs. Il ne s’enseigne pas. Il se révèle à chacun dans l’intime comme une annonciation que murmure l’espérance[1]. L’essentiel est de se tenir dans un état d’exode qui ne sera jamais parfaitement atteint.
L’évangile des sept frères s’interrogeant avec lequel d’entre eux la veuve va passer son éternité présente une situation qui pose la question de l’essentiel. Jésus ne donne jamais de réponse coupée au couteau. L’évangile n’est pas une réponse noire sur blanc à nos questions. Il met en marche celui qui se questionne comme Nicodème, le jeune riche et tant d’autres.
Pour nous, ce matin, quel est l’essentiel de notre foi ? Faut-il savoir réciter par cœur le Credo ? Il existe ce qu’on appelle la foi de l’Église. Mais pour dire « je crois », ne faut-il pas en faire un acte de foi personnelle et ne pas se contenter de répéter des affirmations qui ne font plus sens pour nous ? Trop souvent, nous nous retranchons derrière la foi de l’Église au lieu de nous interroger honnêtement et constater ce que nous croyons nous-mêmes.
En qui et en quoi croyons-nous ? Notre foi est-elle en un Dieu pur esprit, tout-puissant, vivant hors de notre portée, celui du catéchisme de notre enfance, ou en un Dieu qui se voit ou se touche comme dans la parabole du jugement dernier ? C’est à moi que vous l’avez fait. Croyons-nous que nous sommes des « présences réelles » de Dieu ? Pourtant chaque dimanche nous disons qu’il est monté aux cieux et est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant, d'où il viendra juger les vivants et les morts. Nous disons aussi : notre Père qui es aux cieux. Vraiment, est-ce que ces paroles font sens à nos oreilles quand nous comprenons que l’inouï de l’évangile est d’aller dans vos Galilée, c’est là que vous le verrez[
L’essentiel est-il de croire s’il y a une vie après la mort ou s’il y a quelque chose en nous qui échappera à la mort ? La question de la vie éternelle, mot vieilli qui passe mal à nos oreilles contemporaines, est-elle essentielle pour vivre heureux, pour réussir sa vie ? Faut-il marcher ou s’arrêter ? Faut-il vivre en mode sédentaire, assis sur nos convictions ancestrales, ou en mode recherche ? Avons-nous une foi conservatrice, de sauvegarde des valeurs du passé, ou une foi qui se questionne et qui chemine ?
L’essentiel porte sur quelque chose qui nous fait vivre : la vie est un exode vers autre chose que la finitude de la mort. Pour le croyant, la vie est une marche vers une grande mutation totalement nouvelle […] d’un ordre complètement nouveau […] qui nous concerne[2]. Notre regard porte trop souvent sur ce qui se voit, il ne perce pas la profondeur de la vie. Voyons-nous la Vie dans la mort ? L’essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien qu’avec le cœur (Saint-Exupéry). Paul exhorte les Corinthiens à ne pas s’attacher à ce qui se voit, mais à ce qui ne se voit pas (…). Nous cheminons dans la foi, nous cheminons sans voir (2 Cor 4, 18; 5,7).
À votre contemplation : l’essentiel est d’éviter une foi gattopardiste [3] qui signifie faire semblant de croire alors qu’on ne croit pas. Cette affaire de la veuve et de ses conjoints est une question virale, vitale pour ressusciter chaque jour, pour ne pas être des morts-vivants. AMEN.
Autre réflexion sur le même passage :
[1] Marcel Légaut, Méditation d’un chrétien du XXe siècle, 1983.