2021-B-Jn 15, 18-21- samedi 5e semaine de PÂQUES- les chrétiens sont détestés
Année B : samedi de la 5e semaine de Pâques (litbp05me.21)
Jn 15, 18-21 ; aa 16, 1-10 : les chrétiens sont détestés.
Prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’évangile (2 Tm 1, 18). Le croyant est fondamentalement quelqu’un qui fait mémoire non d’un esprit de peur […] mais d’un esprit de force, d’amour de pondération (2 tm 1, 7). Ce que demande Paul à son fils bien-aimé, c’est qu’un esprit de force nous habite. Aujourd’hui, nous avons beaucoup de fascination pour la force. L’esprit de terreur (ex 15,16) règne en force. De quelle force parle l’apôtre ?
La consolation actuelle est d’observer que la fidélité à l’évangile guide les pas des martyrs de notre temps qui rendent compte par leur vie de l’espérance qui est en eux.
Il ne faut pas une perspicacité extraordinaire ou une analyse profonde pour se rendre compte que cette page n’a rien perdu de son actualité. Si le monde a de la haine contre vous, dit Jésus, sachez qu’il m’a haï avant vous. Il y a des « livres blancs » qui annoncent un projet de politique. Il y a aussi des « livres noirs[1] » qui font état de situations xénophobes.
Les événements du 6 janvier dernier au Capitole de Washington (É.-U.) confirment une vague de fond qui incite lentement à des comportements fanatiques. On prône la suprématie d’une couleur sur une autre, d’une religion sur une autre. La domination blanche (white supremacy) est l’Antéchrist en Amérique[2], a-t-on écrit. On ne supporte plus que les autres soient différents de nous.
Sans abuser du terme de christianophobie, l’évidence des intimidations et des violences antichrétiennes ne fait aucun doute. Il est plus facile de discourir sur la coexistence pacifique que d’en vivre. On se tient avec ceux qui pensent comme nous. Par exemple, le Pakistan est une terre où les chrétiens sont enlevés, tués, haïs à cause de leur foi. On rapporte qu’en 2016 un chrétien est tué dans le monde toutes les six minutes[3].
Avant d’ajouter sa signature à la lettre sur la fraternité avec le Grand Imam d'Al-Azhar Ahmad al-Tayyib, le pape François déclarait qu’il n’y a pas d’alternative […] : les religions ne peuvent pas renoncer à la tâche urgente de jeter des ponts […] de se consacrer plus activement, avec courage et audace, sans prétention, à mûrir la capacité de réconciliation.
Seule la fraternité peut renverser la logique de la haine, cette apocalypse qui prévaut aujourd’hui contre les croyants. Il n’y a plus de frères, seulement des martyrs, observe le pape dans son encyclique sur la fraternité Fratelli Tutti. Mais bâtir ce mode de vie est un combat de tous les instants. Il n’est jamais acquis. Jésus en a payé le prix. Contrairement à la haine, ce mode de vie exige beaucoup de temps. La fraternité permet aux personnes d’être différentes alors que la haine refuse toute différence.
L’auteur de la Lettre aux Hébreux (11, 32-40), après avoir énuméré une liste de personnages bibliques remarquables d’une vie sans haine, marquée par des oppositions déchirantes, conclut que Dieu avait prévu pour eux mieux encore (He 11, 40).
Il y a opposition entre la mentalité de l’évangile et celle de notre monde. Aujourd’hui, même si l’on prône la tolérance ou l’accommodement mutuel, l’intolérance est en hausse. Tolérer conduit à la haine. L’évangile prône l’acceptation inconditionnelle sans égard à la religion, à la couleur de la peau. La foi amène le croyant à voir dans l’autre un frère à soutenir et à aimer, lit-on en ouverture de la lettre sur La fraternité.
Jésus n’est pas naïf. Il a bien conscience que l’esprit du monde est peu réceptif à son projet de vie fraternelle qui est autre chose que la solidarité qui se réduit souvent à quelques actes sporadiques. La fraternité est le prolongement de l’Incarnation, écrit-il dans son exhortation la joie de l’évangile (#179).
À votre contemplation : c’est lorsque nous expérimentons comme Paul une vraie rencontre avec Jésus sur la route de Damas dans nos vies, que nous cessons de haïr, de persécuter les autres. Ce n’est pas en globalisant la haine, mais en apprenant à aimer au milieu de nos échecs que nous sommes vainqueurs sur l’esprit du monde. AMEN
Autres réflexions sur le même passage :
[1] Andrea Riccardi, J-Michel Di Falco, T. Radcliffe, Le livre noir de la condition des chrétiens dans le monde, Ed XO, 2014.