2021-B-Jn 6, 35-40 -mercredi 3e semaine de PÂQUES- être présences réelles
Année B : mercredi de la 3e semaine de Pâques (litbp03me.21)
Jn 6, 35-40 ; Ac 8, 1b- 8 : être présences réelles.
Vous connaissez le dicton : il ne faut pas se fier aux apparences. De l’extérieur, Jésus a raté sa vie. À le voir agir, on peut affirmer qu’il a même pris la résolution de rater sa vie. De donner sa vie. Force est d’observer durant ce temps pascal que Jésus a échoué à rater sa vie. Tout lui réussit, même ses échecs à faire comprendre aux notables son projet de terre neuve. Jésus a pris la décision d’être heureux quoiqu’il arrive. D’être nourriture quoiqu’il arrive. Je suis le pain de vie. Jésus s’est concentré sur l’essentiel : être plein de vie auprès de ceux qui avaient perdu la joie de vivre.
Paul a écrit que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment (Rm 8, 28). Toutes choses. Un proverbe affirme qu’à quelque chose, malheur est bon. La vie n’est pas un jeu d’échec et mat. Les événements pénibles, pandémie, confinement sont souvent de petits tremblements de terre qui imposent de faire autrement qu’avant. Tout malheur, toute situation pénible nous évite de faire du sur-place, de courir sans avancer. C’est quand ça va mal dans un couple, ai-je dit souvent, que ça commence à aller mieux.
L’épreuve est un chemin pour convertir nos regards. Levinas montre que voir la beauté de l’autre passe par notre distanciation avec lui. Il a fallu la distanciation du ressuscité avec les siens pour en découvrir son importance. Reste avec nous, Seigneur. Il nous a fallu la distanciation d’avec ce pain pour en découvrir sa portée sociale, pour en humer son parfum après un jeûne prolongé.
L’absence de l’eucharistie durant la pandémie a permis de découvrir qu’être chrétien est plus que faire l’eucharistie, que d’aller à la messe, que d’être des consommateurs de ce pain, que de poser un geste souvent machinal, automatique comme l’échange de paix. Son absence dans nos vies a permis de passer d’un consumérisme sacramentel pour devenir si on la laisse faire en nous, si on se laisse faire par elle […] de la dynamite, écrit François Cassingena-Trévedy[1]. L’auteur pousse très loin sa réflexion quand il ajoute qu’il faut cesser de se « fabriquer » une Présence réelle pour être présence réelle aux autres, pour être évangile, Église en état de communion, de proximité aux autres. Paradoxe, l’absence de messe nous a rapprochés.
La lecture présente Étienne qui fut une vraie présence réelle, une présence dynamite aux pauvres. Il fut eucharistie pour eux. Il a témoigné son amour pour les autres jusqu’à risquer sa vie. Il est demandé aux chrétiens d’être des eucharisties vivantes, des présences réelles. Le sommes-nous ?
De nos jours, écrit le pape dans son exhortation-programme de son pontificat, la joie de l’évangile (# 87), nous ressentons la nécessité de découvrir et de transmettre la “mystique” de vivre-ensemble, de se mélanger, de se rencontrer, de se prendre dans les bras, de se soutenir, de participer à cette marée un peu chaotique qui peut se transformer en une véritable expérience de fraternité, en une caravane solidaire, en un saint pèlerinage. Nous pouvons avoir beaucoup de contacts dans nos forums sociaux. Pourtant, nous ne sommes pas proches les uns des autres.
Toutes choses. Jésus ne planifie pas de réussir sa vie, seulement d’aimer coute que coute, de la donner coute que coute. Sa vie est comme une célébration. Une fête permanente. Une table toujours accueillante. Plus qu’un geste, sa personne est une hostie vivante, sainte, agréable à son Père dont il est sa Parole.
Ce pain vivant n’est pas un bonbon pour une jouissance individuelle. Il n’est pas « mon Jésus pour moi tout seul ». Il ne s’agit pas de dévorer ce pain à pleine dent, mais de croquer la vie à pleine dent sans en escamoter le tragique. Ce pain donne envie de vivre d’une vie neuve qui va au-delà des poignées de mains, d’embrassades plus en modes rituelles qu’authentiques. Ce pain nous fait vie nouvelle. Ressuscite.
Carlos Acutis, ce jeune de 15 ans récemment béatifié (2020), disait que l’eucharistie est mon autoroute du ciel. Ce qui faisait vivre ce jeune sportif, sa nourriture quotidienne, il la trouvait dans ce corps-à-corps avec Jésus, en humant l’odeur de sa proximité avec Lui et, conséquence, de sa proximité avec les moins favorisés que lui. Ce temps corps-à-corps, cœur à cœur avec Jésus, le sortait de lui-même. Son autoroute du ciel le poussait vers les autres, le faisait marcher vers les autres. Son intimité avec Jésus postulait une grande solidarité avec les autres jeunes.
À votre contemplation : faisons de nos personnes des hosties vivantes, saintes et agréables à Dieu, […] tel est le véritable culte que nous avons à lui rendre (Rm 12, 1). AMEN.