2021-B-Lc 24, 13-35 -mercredi octave de PÂQUES- un accompagnateur divin
Année B : mercredi de l’octave de Pâques (litbp00me.21)
Lc 24, 13-35 ; Ac 3, 1-10 : Emmaüs, un accompagnateur divin à visage humain.
Comment comprendre la résurrection de Jésus ? Une certitude peut déranger nos certitudes. La résurrection n’est pas un acte physique, la réanimation d’un corps ou le retour de Jésus à son existence antérieure. N’imaginons pas qu’il s’agit d’un corps qui retrouve une forme de vie. Pâques, moment fondateur du christianisme, est une révélation d’une nouvelle manière de présence de Jésus sur nos chemins.
Jésus sur la route d’Emmaüs, sur nos routes, offre une qualité d’humanité qui fait de lui un vivant (Marcel Légaut). Il se soucie tellement de nos questionnements qu’il nous rejoint là où nous sommes, qu’il nous accompagne d’une rare intensité de présence. La rencontre des disciples avec l’inconnu qui les rejoint est, exprime le pape Benoît XV1 durant la vigile pascale 2006, la plus grande mutation, le saut […] décisif dans une dimension totalement nouvelle (…), saut d’un ordre complètement nouveau.
Cette rencontre est tellement forte, intense, que les disciples passent de la mort à la vie (1 Jn 3, 14), de l’incertitude à la certitude en retournant à Jérusalem. Sur la route d’Emmaüs, Jésus offre à ses disciples de ressusciter. Il les sort de la déprime en rejoignant leur désir de vivre.
Jésus ne les amène pas voir le tombeau vide. Aujourd’hui, il ne fait plus de doute aux exégètes que le tombeau vide n’est pas un signe incontestable de Pâques. Paul à qui nous devons les premiers textes du Nouveau Testament ne parle pas du tombeau vide. Il dit que Jésus a été relevé et non s’est relevé d’entre les morts (1 Cor. 15,3-4). La mort n’a plus sur lui de pouvoir (Rm 6, 9). Pour Paul, le moment fondateur n’est pas autour d’un tombeau vide.
Paul parle de rencontres d’une intensité d’exception qui ont tellement marqué les disciples au fer indélébile que rien, ni les sarcasmes, ni les outrages, rien ne peut effacer. Ce qui atteste de la résurrection dans l’évangile, ce sont des disciples ressuscités. Ce n’est pas ce que l’on dit de Pâques, mais ce que l’on en vit qui atteste que Jésus est vraiment ressuscité. Jean Sullivan traduit cela ainsi : vivez tant que vous êtes vivants.
C’est suite à une longue marche (cf. Lc 24,13) que le cœur des disciples se réchauffe en entendant Jésus leur expliquer les Écritures. Ils ne sont pas arrivés à l’auberge (cf. Lc 24, 28-30) le cœur vide. La fraction du pain les a réveillés, sortis de leur paralysie et ils sont devenus des brindilles de ressuscité. C’est quand nos cœurs se réchauffent à l’écoute de sa Parole que nous le reconnaissons dans le pain. Trop souvent, nous allons à la messe qui ne nous réchauffe pas ; nous allons accomplir quelque chose plutôt que de devenir corps du Christ. Vous êtes le corps du Christ, chante Littleton qui ajoute, qu’avez-vous fait de Lui ?
Le récit d’Emmaüs appelle à un passage de la messe à l’eucharistie, de l’eucharistie à la rencontre. Emmaüs convie le chrétien à dépasser le «matérialisme» sacramentel. Le Vivant ne se réduit pas à quelque chose que l’on fait, que l’on consomme (Père Cassingena-Trévedy)[1]. L’eucharistie d’Emmaüs n’est pas quelque chose que Jésus a fait pour ses disciples. Quand la rencontre se produit autour d’une table, ils redeviennent des croyants de Pâques. Des vivants ressuscités. La plus grande preuve de la résurrection est de voir des humains se transformer en corps du Christ.
Le chemin d’Emmaüs nous renvoie à un Dieu au visage humain, à un Dieu humain, proche, nous comblant de sa tendresse, nous accompagnant dans nos questionnements et qui ne craint pas de se recouvrir d’anonymat pour ne pas s’imposer. Ce chemin est l’image du monde agnostique d’aujourd’hui.
Comme l’étranger d’Emmaüs, savons-nous dans ce monde où la sécularisation est partout, réchauffer les cœurs en écoutant les nombreuses questions à son sujet, en partageant dans leur doute ? Savons-nous parler d’un Dieu qui n’est pas séparé du monde plutôt que d’un Dieu lointain, inaccessible, culpabilisant, vivant hors du monde, dans un autre monde ? Savons-nous atteindre les gens, tels qu’ils sont dans leur vie réelle ? Nous avons besoin d'une Église capable de tenir compagnie, d'aller au-delà de la simple écoute […], qui accompagne le chemin en marchant avec le peuple […], capable de déchiffrer la nuit contenue dans la fuite de tant de frères et sœurs […], Jésus a réchauffé le cœur des disciples d'Emmaüs[2].
Le chemin d’Emmaüs nous renvoie aux paroles de Jésus qui dans la parabole des fins dernières dit : c’est à moi que vous l’avez fait (Mt 25, 31-46). Ailleurs, il déclare dans une parole qui atteste son incarnation, l’Emmanuel, Dieu avec nous, et qui mérite d’être entendu par le cœur : qui m’a vu, a vu le Père (Jn 14, 9).
Ne nous contentons pas d’aller à la messe, soyons des petits pains de vie qui en pratiquant la Parole, réchauffent les cœurs. AMEN.
Autres réflexions sur le même sujet :
[2] François, Discours lors de la rencontre avec l'épiscopat brésilien, Archevêché de Rio de Janeiro, 27 juillet 2013.