2021-B-Mt 6, 1-6.16-18- mercredi des CENDRES- l'esprit du carême
Année B : mercredi des Cendres (litbc00me.21)
Mt 6, 1-6.16-18; Jl 2, 12-18 : l’esprit du carême.
Que le Seigneur nous donne une claire vision de ce qu’il doit être fait et la force de l’accomplir (oraison). Voilà qui dit bien comment entrer en carême. Nous sommes souvent plus fidèles à accomplir la religion que l’évangile. Nous pouvons nous poser cette question : avec quel je pense ce carême ? Avec l’esprit du monde, mon propre esprit, l’esprit du Seigneur, l’esprit de la communauté ou du petit groupe auquel j’appartiens ? Est-ce que je pense, est-ce que je vis vraiment avec l’Esprit de Dieu ? Avec l’esprit de l’évangile ? Ces questions sont vitales à qui veut entendre l’appel du matin de Pâques : venez déjeuner. .
Paul invite les Galates à s’éloigner de l’esprit du monde, celui d’une vie repliée sur elle-même. Il énumère quinze critères que nous connaissons bien et qui nous collent à la peau : haine, discorde, jalousie, dispute, colère, envie, etc. Puis il décrit l’esprit de Dieu qui est bonté, sérénité, joie, service, oubli de soi. Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir (cf. Ac 20,35). Cette vérité est très actuelle.
Aux Éphésiens qu’il va quitter, il leur précise de ne pas rechercher à tout prix les attraits de ce monde. Il leur demande d’éviter une vie stérile en se laissant guider par ce qui est attrayant, plaisant, ne recherchant que ses propres intérêts. Il les invite à vivre leur quotidien orienté vers une rencontre, celle des noces éternelles (cf. Mt 25, 1-13).
Le carême doit avoir comme axe, comme centre, comme clé ce qui est à l’origine et le principe du christianisme, l’esprit de Jésus, l’esprit de l’homme qui vient de Dieu (Moingt). L’esprit de Dieu est de vivre une sobriété heureuse, ce mode de vie libéré des abus de la consommation. Faire pénitence, nous convertir, nous détourner de l’obsession de posséder, de tout consommer, et cela avec le sourire. L’esprit du monde, dans les mots de Péguy, c’est que rien n’est peut-être aussi vieux que le journal d’aujourd’hui. Aussitôt annoncée, la primeur est dépassée. Question : avec quel esprit entrons-nous en carême ? Cette question devrait nous tarauder tous les jours.
Le carême n’est pas un temps spectacle. Il est celui de passer de l’esprit du monde à l’esprit de Dieu. Le Dieu auquel souvent nous «pensons», demande des sacrifices, des mortifications. Ce Dieu-là est souvent perçu pervers (Maurice Blondel). Il n’est pas inhabituel que nous pensions de cette façon. Notre façon d’entrer en carême doit être convertie.
L’esprit de Dieu est celui de petites joies, de petites victoires, celles d’agir par la charité (Ga 5, 6). Petites victoires. Je songe ici à Léonie Martin, sœur de Thérèse, Pauline, Céline, qui écrit que Dieu ne demande pas de perdre sa vie, mais de trouver la vraie vie[1]. L’esprit de Dieu fait vivre les petites choses du quotidien sans perdre de vue qu’elles préparent à une grande rencontre transformante et libératrice qui nous transfigure : venez déjeuner.
L’esprit du monde : tout centré sur nous-mêmes. L’esprit de Dieu : nous libérer de nous-mêmes. Tous, nous commettons des écarts, et souvent (Jc 3, 2). Catherine de Sienne précise ce que sont les chemins de l’esprit chrétien et de l’esprit de Dieu quand elle écrit: devenez de ce que vous êtes et vous mettrez le feu au monde. Jésus n’est pas venu inaugurer un nouveau type d’humain, mais l’être humain tout court (D. Bonhoeffer). Voilà l’esprit qui nous anime durant ces jours : devenir un être humain tout court. Et l’humain tout court cache le divin qui se voit dans l’humain Jésus.
Nuance importante : Joseph Moingt dans son livre-testament L’esprit du christianisme dit que le divin se rencontre en Jésus et non pas par Jésus. Il reprend autrement l’œuvre de Marcel Légaut; selon ce dernier, Jésus nous approche de Dieu sans nommer Dieu parce que Dieu est impensable.
La visée de ce carême est claire : accroître jusqu’à la perfection l’esprit de Dieu, l’esprit chrétien, grandir en humanisme, alors nous agirons en croyants qui montrent Dieu. Rien de pénible ne nous est demandé qui soit difficile et qui excède nos forces. Ce temps en est un de retrouvailles avec l’image et la ressemblance de Dieu enfoui au fond de nos personnes.
L’esprit du carême ne doit pas être envisagé comme un poids lourd à porter, une charge, une obligation onéreuse. Il nous libère de toutes ces contraintes d’une société où règne «le jamais assez»; aussi, le carême nous libère de tous ces vêtements dont nous nous habillons et qui sont autant d’obstacles à devenir des ambassadeurs de l’esprit de Jésus. Le pape termine sa lettre sur la fraternité en citant Charles de Foucauld : devenir des frères universels. Là réside le message de l’esprit du carême qui nous prépare à entendre l’invitation pascale : venez déjeuner. AMEN.
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