2021-B-Mc 3, 1-6 - mercredi 2e semaine ORDINAIRE- princes du royaume
Année B : mercredi de la 2e semaine du temps ordinaire (litbo02me.21)
Mc 3, 1-6 ; He 7, 1-3.15-17 : les princes du royaume.
Dans une étude qui a duré plus de dix ans sur les phénomènes religieux au Québec, les auteurs avancent que le thème de la guérison revenait souvent dans l’enquête. Qui n’a pas entendu parler de tel ou tel mouvement qui pratique la guérison par l’imposition des mains? Le phénomène de la guérison se retrouve dans tous les courants religieux et spirituels comme les évangéliques, les catholiques charismatiques, les groupes du genre Wicca et néo-païens qui font des rituels non seulement pour les personnes, mais également pour la mère Terre[1], observent les anthropologues.
Ce serait conclure trop rapidement que les participants à ces rituels de guérison, aux groupes de prières, aux sessions variées d’agape thérapie ou autres, s’attendent à une guérison miraculeuse. On y recherche moins un miracle qu’une quiétude intérieure bienfaisante et pacifiant. Certains y participent, disent les chercheurs, pour mieux vivre avec leur maladie incurable ou chronique. D’autres veulent guérir une relation brisée par un divorce ou par une crise familiale, par exemple[2].
À une autre époque, Jésus était recherché pour sa capacité à faire revivre ceux qui étaient affectés par toutes sortes de blessures. Son succès populaire reposait sur sa renommée de guérisseur. Les sources chrétiennes sont unanimes : il parcourait toute la Galilée […] guérissant toute maladie (cf. Mt 4, 23; 9, 35; Mc 1, 39, etc.). Jésus guérissait plus qu’il ne faisait des miracles. Il n’avait pas la réputation de changer la vie religieuse des gens. Il était vu comme un dispensateur de soins plutôt qu’un dispensateur de guérison[3]. Jésus est révélateur de l’amour de Dieu, de sa compassion par ses œuvres, dit Jean.
Les exégètes ne laissent aucun doute. La première chose pour Jésus, c’est la vie et non la religion. Jésus est venu guérir toutes les maladies. Il s’agit de regarder sa trajectoire pour réaliser que Jésus est proche de tous les princes du royaume que sont les malades, les handicapés, toutes ces personnes qui sont bonnes à rien, ne rapportent rien à la société.
Jésus guérit moins par ses miracles que par sa présence à leurs côtés. Jésus est avec non seulement des malades, mais des «impurs» que sont, aux yeux des leaders aux vêtements d’apparat, les possédés, les personnes méprisées ou humiliées, les pécheurs publics, comme sont Lévi, Zachée, la femme en perte de sang et tant d’autres. Jésus est proche de ceux pour qui la vie est un lourd fardeau, ceux qui n’ont qu’un minimum de dignité humaine.
Jésus ne parle que très peu de sa vie spirituelle. Comme nous d’ailleurs. Le temps où il passe au désert, en prière, est minime, en regard du temps qu’il consacre aux autres. Jésus a passé la plus grande partie de sa vie sur la route. Pour lui, rencontrer les princes du royaume, ces princes qui sont humiliés chaque jour, ces malades mentaux qui jonchent sur le bord des routes mendiant un peu de pain, nourrissait sa prière. Jésus aime ces gens qui n’ont rien, qui ne sont pas jaloux, ne jugent personne. Ils apportaient à Jésus plus qu’il leur donnait tant leur présence lui faisait rencontrer son Père, réaliser son projet de solidarité, d’égalité, de justice.
La mission que Jésus confie aux soixante-douze disciples (cf. Lc 10, 17-24) va dans ce sens. Il les envoie faire des choses plus grandes encore (cf. Jn 14, 12), dénoncer des abus commis envers certaines catégories de personnes et les intégrer dans la communauté dont elles étaient exclues par leurs infirmités, leur pauvreté, leur origine ou leur condition de vie[4]. Il les envoie poser des gestes de guérison sociale. La foi agit par la charité (Ga 5,6).
En donnant au monde son encyclique sur la fraternité (Fratelli tutti), le pape place l’Église comme une voie au milieu du village global. Il promeut le dialogue comme guérison des rivalités, des guerres. Il veut une Église qui soigne les blessés, qui prend le temps, comme le samaritain, de délaisser son agenda pour soigner les tombés de la route.
Le sabbat, les règles imposées par les chefs religieux ne sont pas centrales dans la vie de Jésus; l’essentiel est plutôt d’humaniser certains comportements, comme délaisser les tombés de la route au profit du respect du sabbat. Jésus ne rejette pas le sabbat. Il lui redonne vie en faisant une œuvre belle, celle de révéler un Père plein de compassion en se souciant des princes du royaume plutôt de l'accomplissement d'une obligation juridique.
Comme l’exprime une oraison : que le Seigneur nous donne une claire vision de ce qui doit être fait et la force de l’accomplir. AMEN.
[1] http://presence-info.ca/article/culture/guerison-et-religions-au-quebec-revisiter-les-idees-recues
[2] http://presence-info.ca/article/culture/guerison-et-religions-au-quebec-revisiter-les-idees-recues
[3] Pagola, José Antonio, Jésus approche historique, Cerf, 2019, p.164.
[4] Moingt, Joseph, L’esprit du christianisme, Éd. Temps présent, 2018, p.95.