2021-B-Mc 3, 20-21-samedi 2e semaine ORDINAIRE - innovateur, ce Jésus
Année B : samedi de la 2e semaine du temps ordinaire (litbo02s.21)
Mc 3, 20-21 ; He 9, 2-3.11-14 : innovateur, ce Jésus.
Une affirmation du neuropsychiatre français Boris Cyrulnik peut sans hésiter s’appliquer à Jésus. Tout innovateur, dit-il, est un transgresseur puisqu’il met dans la culture une pensée qui n’y était pas avant lui. Il sera donc admiré par ceux qui aiment les idées nouvelles, et détesté par ceux qui se plaisent à réciter les idées admises.
Cela décrit bien Jésus qui soulève beaucoup de réactions. Sa famille s’interroge sur sa lucidité devant des comportements qui les choquent. On s’inquiète de le voir se ternir avec des gens corrompus; et qu’il en soit contaminé. Quand un proche a un comportement inhabituel, on se demande ce qu’il lui prend. S’il persiste, on finit par se dire qu’il a perdu la tête, qu’on ne le reconnait plus tellement il a changé.
Ce fut la même réaction, lorsque dans la synagogue de Nazareth, refermant le livre d’Isaïe, Jésus fit ce commentaire : c’est aujourd’hui que cela s’accomplit. Les notables, les docteurs, les prêtres le croient tellement cinglé qu’ils veulent le précipiter en bas de la falaise au sortir du village (cf. Lc 4, 29).
Les exégètes s’entendent sur des faits historiques incontournables: ainsi quand il ne se laisse pas enfermer ni par ses proches ni par les autorités. Il refuse de se voir comme un simple d’esprit, un malade mental ou, pire encore, comme un possédé par un esprit démonique. Il rejette l’idée de se voir possédé par Béelzéboul. Si Satan est en lutte contre lui-même comment son royaume pourra-t-il se maintenir ? (cf. Lc 11, 18).
Un autre fait historique : Jésus refuse de vivre comme un perroquet qui s’enlise dans la répétition de vieilles recettes détachées du réel. Il bouillonne tellement de vie qu’on l’accuse de ne pas respecter les règles de bienséances usuelles qu’elles soient d’ordre religieux ou sociétal. On ne supporte pas de le voir outrepasser les us et coutumes de sa famille, de ne pas respecter la distance entre les purs et les impurs, de le voir s’asseoir et manger à toutes les tables sans égards à la qualité des convives.
Comme tout innovateur, Jésus ne se voit pas comme un empêcheur d’erreur. Éducateur dans l’âme, il se présente plutôt comme un éveilleur de vie. Il sait faire jaillir les forces dormantes dans chaque personne. Jésus a une conscience vive qu’il ne s’affranchit pas de la loi, des règles de bienséance. Il les assume au point de pouvoir les dépasser. Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir, disait-il à ses interlocuteurs. Toute règle est vivante quand elle n’est pas figée.
En refusant le comportement innovateur de Jésus, sa famille autant que les leaders ne perçoivent pas un appel à une vie plus noble, supérieure. Son action dicte subtilement qu’une vie de façade est souvent synonyme de médiocrité. Ce qu’il y a de fou en Jésus c’est son annonce d’un projet égalitaire d'une société fraternelle. Quinze ans environ après la rédaction du récit de Marc, Paul rappelle aux chrétiens de Corinthe que la sagesse des gens de ce monde est une folie pour Dieu et que celle de Dieu est sagesse (cf. 1 Co 3,19).
Né, comme l’attestent les historiens, dans un environnement de tension politique et religieuse, Jésus innove en contestant certaines règles qui n’ont plus leur raison d’être. Il réfute aussi de vieilles armures comme les exigences inhumaines du sabbat qui alourdissent la vie et qu’un simple petit geste anodin risque de pulvériser.
Observons ce matin un Jésus qui pose des gestes providentiels pour le mieux-être de tout le monde. Demandons-nous si nous agissons comme lui. Ce comportement innovateur, Jésus le voit comme un trésor qu’il tire de sa vitalité intérieure et qui lui fait refuser de coudre du neuf sur du vieux (cf. Lc 5, 36).
Je termine par une réflexion d’un poète d’ici, Saint-Denis Garneau : la parole brise la solitude de toutes choses. C’est plus qu’une parole poétique, c’est une parole théologique. C’est plus que des mots vides, des mots sans résonance. C’est une Parole qui ne s’épuise jamais. Jésus brise la solitude de toutes choses. Il brise tout geste enfermé dans un rigorisme qui enlève toute vie à la vie parce qu’axé sur l’accomplissement de rites «sauve-face».
Innovateur, Jésus a des gestes qui confondent les sages de ce monde. Il n’est pas celui qui s’affranchit des règles, mais celui qui les possède au point de pouvoir les dépasser. Nous n’avons pas mission de nous affranchir du passé parce que c’est impossible. Nous avons mission de dépasser le «cela s’est toujours fait comme ça» au risque de se faire dire qu’on a perdu la tête parce que c’est l’esprit du christianisme et très évangélique. AMEN.
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