2020-B-Mt 9, 35 – 10, 1.5a.6-8 - samedi 1ière semaine Avent- nouveau départ
Année B : samedi 1re semaine Avent (litba01s.20)
Mt 9, 35 – 10, 1.5a.6-8 ; Is 30, 19-21.23-26 : nouveau départ.
Les évangélistes décrivent la mission que Jésus confie à ses disciples avec des images diverses. Ce matin, comme clé promotionnelle, Matthieu présente un jésus au visage de miséricorde, plein de soucis pour les gens. Jésus avait trois soucis majeurs : guérir les blessés de toutes sortes, nourrir autant les foules que les pauvres, promouvoir de bonnes relations entre humains.
Jésus ne se comporte pas en rabbin, en homme de religion, il agit en thérapeute de la dignité humaine. Il fait la promotion d’un humanisme nouveau. Il veut, selon la préface eucharistique des religieux, que notre condition humaine retrouve sa splendeur première, dès ici-bas. Il crée, observe le théologien Bonhoeffer, non pas un type d’être humain, mais l’humain tout court[1].
Jésus ignore qu’il est Dieu, né de Dieu, de même nature que le Père, qu’il avait deux natures en lui. Il ne semble pas se préoccuper de beaucoup parler de Dieu. Il s’est très peu exprimé sur sa vie spirituelle. Il s’est parfaitement métissé[2], est issu de deux origines ethniques différentes. Il fut tellement l’un de nous, tellement parfait dans son humanité, qu’il révèle ainsi qu’il a en lui des germes divins.
Celui qui regarde Jésus, qui baigne son regard dans la splendeur de sa gloire (Claire d’Assise), non celle d’après Pâques, mais celle d’habiller l’humain de sa divinité, comprend que durant ses longues nuits à l’écart, il mangeait le livre (Ez 2, 8). Mange ce livre qui est devant toi. Le théologien Gutierrez a une belle formule pour décrire cela : Jésus a vécu Dieu, il a pratiqué Dieu.
Nous commençons à peine à regarder Jésus non avec des yeux de Pâques, mais avec des yeux «d’avant Pâques». Le Jésus d’avant Pâques répétait constamment que le royaume c’est l’arrivée de l’humain d’abord. Il s’irrite contre une pratique religieuse qui se vit dans une sorte de «sortie» de l’humus humain. Cela semble aujourd’hui être un simple gros bon sens. Jésus s’est toujours dissocié d’une pratique religieuse qui oubliait la dimension humaine du croyant. Il se présente comme maître d’une nouvelle loi, plus radical encore, sauver l’humain. Dans un livre d’une actualité urgente, pour un christianisme d’avenir, l’auteur Spong[3] insiste pour reconnaître que l’humain est le réceptacle pour rencontrer Dieu et en faire l’expérience.
Deux mots, deux attitudes : compassion envers les malades, miséricorde envers ceux qu’il appelle à former son équipe initiale. Dans la liste des élus de Matthieu, il ne se trouve personne avec des titres de noblesse, des diplômes issus des meilleures écoles rabbiniques, seulement des gens humains avec leurs failles, sans prétention et surpris de se voir choisis.
Souvent aujourd’hui, ceux qui approchent des croyants, qui les questionnent sur leur foi, ne retrouvent pas en priorité ce qui a fait la bonne nouvelle de Jésus. On perçoit plus en eux le fonctionnement d’une pratique religieuse qui a vieilli et qui porte les signes d’un nécessaire bon ménage du printemps.
D’ailleurs les chrétiens eux-mêmes connaissent-ils vraiment ce Jésus et sa bonne nouvelle ? Connaissent-ils plus les lois de l’institution que celles de l’Évangile ? Le Concile Vatican II a rappelé quelque chose de beau, de profond : L’Évangile est en tout temps pour l’Église, le principe de toute sa vie.
Plusieurs vivent la religion sans contact avec l’évangile, sans contact avec la compassion. Il a fallu la récente crise pandémique pour nous donner à voir des chrétiens, des humains à plein temps qui ont risqué leur vie. Tantôt, c’était un jeune religieux de 28 ans, Simplicio, mort du coronavirus pour avoir voulu aider les plus pauvres. Tantôt un pasteur qui a laissé sa place au soin intensif à un jeune. Tantôt une dame à la veille de sa retraite, morte pour s’être faite aidante.
Voici le chemin, prends-le. Et ce chemin a le visage d’un appel : celui de devenir parfaitement humain. Avouons-le, on ne fait que commencer à le devenir. AMEN.
Autres réflexions sur le même passage :
[1] D. Bonhoeffer, Résistance et soumission, Labor et Fides, 2006, p. 432.
[2]http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2019/documents/papa-francesco_20191212_omelia-guadalupe.html
[3] Spong, Pour un christianisme d’avenir, Éd. Karthala, 2019.