2019-C-Mt 25,14-30- samedi 21e semaine ordinaire- aucune consigne
Année C : samedi de la 21e semaine ordinaire (litco21s.19)
Mt 25,14-30; 1 Th 4,9-11 : aucune consigne
Friedrich Hölderlin écrivait: Dieu crée le monde comme la mer crée la plage : en se retirant. Jésus confirme cela dans la parabole du maître qui part en voyage. Jean Paul II a dit un jour que Dieu travaille à huis clos. Quel entrepreneur aujourd’hui accepterait de s’éloigner de ses affaires pour les confier à d’autres ? À des étrangers ?
Le regard que nous portons sur cette parabole offre autre chose à contempler que la générosité du maître qui distribue selon les capacités de chacun. Autre chose aussi que sa sainte colère devant la politique de l’autruche adoptée par le troisième serviteur pour qui la peur de tout perdre lui a fait tout perdre.
Il y a un autre regard : ce maître richissime ne donne aucune consigne. Voilà qui étonne et qui surprend. Il ne laisse rien transparaître sur ses intentions, sur ce qu’il souhaite voir réaliser. Aucune consigne. Aucune obligation de résultat. Aucun devoir à accomplir. Voilà un dieu qui n’impose rien, qui ne contrôle rien, qui surprend par son respect de notre autonomie, qui ressuscite et qui met debout par son silence et qui me veut en état permanent de mouvement, de marche; voilà l’image la plus percutante à contempler dans cette parabole.
C’est tout le contraire de nos images non évangéliques de Dieu qui ont cours aujourd’hui. Cette parabole invite à se poser la question: de quoi Dieu a-t-il l’air ? Ne nous contentons pas de ce qui a été déjà dit. Ceux qui écrivent avant nous ne sont pas des seigneurs, mais de guides (Gilbert de Tournai, XIIIe siècle). C’est une trahison que de toujours répéter ce que l’on sait. Nous venons vraiment d’entendre un chant nouveau […] qui fait merveille en nous (Ps). Ce qui fait merveille : vous connaissez la générosité de Dieu, de riche, il s’est fait pauvre pour que vous deveniez riches (2 Co 8, 9).
L’image du Dieu dans cette parabole tombe pile avec les aspirations fondamentales de la mentalité d’aujourd’hui. Le geste de ce richissime maître est tellement inimaginable et une bonne nouvelle pour notre mentalité entrepreneuriale que deux d’entre eux relèvent le défi de vivre sur la corde raide du risque. En nous racontant la parabole du maître qui part en voyage, Jésus rejoint la finale des Actes qui invitent à annoncer avec assurance jusqu’à son retour.
Cette parabole appelle à une liberté créatrice à son image et sa ressemblance, à nourrir en nous un esprit d’entrepreneuriat et d’engagement évangélique. Il est plus facile de s’endormir ou de se reposer sur ses lauriers. La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant (saint Irénée de Lyon).
Quelle richesse inestimable que d’être en présence de quelqu’un qui n’impose rien. Ne demande rien. De quelqu’un qui ne nous veut pas des marionnettes dirigées par sa main puissante (Zundel), qui se refuse de violer notre autonomie. Son appel à le suivre n’est pas un ordre, seulement un appel sans plus (cf. Mt 19, 16-22).
Thérèse de Lisieux disait que Dieu se comporte avec nous selon l’image que nous nous faisons de lui. Avons-nous l’image d’un Dieu qui ne donne aucune consigne ? Avons-nous l’image d’un Dieu qui nous veut autonomes ? Notre regard sur Dieu peine à grandir vers sa maturité et son autonomie humaines et spirituelles (CEC, no 2232). Posons-nous cette question : et nous, sommes-nous dans la posture du risque à courir ou bien dans la posture de la peur, celle de ne pas nous compromettre ?
À votre contemplation : notre dieu parle et il est aussi un Dieu qui a des pieds, c'est un Dieu qui vient, c'est un Dieu qui est sur une route, et c'est dans le mouvement que je peux le saisir. Dans un entrepreneuriat permanent. Il n’y a pas de plus grosse erreur que de vouloir l’enfouir. Aucune consigne. Seulement une direction jusqu’à mon retour. Non pas que je sois au but, non pas que je sois devenu parfait, non pas que je l'aie saisi, mais [parce que] je poursuis ma course pour tâcher de le saisir, ayant été saisi moi-même par le Christ Jésus (Ph 3,2). AMEN.