2019-C-Mc 16, 9-15- samedi octave de Pâques- allez voir
Année C : samedi de l’octave de Pâques (litccp00s.19)
Mc 16, 9-15 ; Ac 4,13-21 : allez voir
Allez en Galilée le voir. Mais voir qui ? Et Christian de Chergé répond : voir l’homme nouveau. Et nous, ce matin, l’apercevons-nous ? Dans la lumière du jour naissant au matin de Pâques, les disciples ont reçu, par des femmes apeurées, déstabilisées, prostituées, le mandat de voir quelque chose de neuf, un corps neuf. Allez en Galilée et vous me verrez. Dieu n’est pas seulement dans notre coin prière ou dans l’Eucharistie, mais aussi dans tout ce qui compose l’univers.
Les disciples reçurent la mission de voir. Allez voir qu’une terre neuve se construit, une terre où la mort ne l’emporte plus sur l’amour. Allez voir et annoncer qu’il y a plus fort que la mort, comme le chante le Cantique des cantiques. Allez voir et proclamer que dans toutes les cultures, dans toutes les religions du monde, dans toutes les terres du monde, dans tous les cœurs des hommes et des femmes s’élèvent lentement des semences du Verbe, pour reprendre une expression de saint Justin.
C’est la mission de voir des semences de Vie partout, dans tous les carrefours, dans toutes les tempêtes et bouleversements cosmiques autant qu’individuels. Désormais, tout est semence de vie. Quelle mission que de voir des semences de vie, des engendrés à la vie ! Ce jour nous découvre, indicible, un autre jour que l’on devine. Déjà, ce matin nous entraîne, figure de l’aube éternelle, sur notre route quotidienne. Y a-t-il plus belle parole que cet hymne pour dire Pâques? Éveillons l’aurore […], la gloire de ce jour domine la terre (Ps 103).
Pâques est le grand sacrement de la vision, l’unique sacrement qui nous apprend à bien voir la grandeur et la noblesse de notre métier d’humain. Il y a, écrit Blaise Pascal, assez de lumière pour qu’on puisse croire et assez d’obscurité pour qu’il faille croire. À nous de rassembler toutes les lueurs qui rendent la foi possible et le mystère crédible.
Jésus, contrairement à nous, humains, n’a pas voulu que ce matin de l’histoire soit pur tape l’œil ou fanfaronnade. Il semble ne rien faire pour qu’on croie en lui. Que nous aimerions que ce matin soit un peu plus visible, attesté, qu’il soit autre chose qu’un tombeau vide ! Jésus a choisi la discrétion, la pudeur. Pouvons-nous un instant imaginer Jésus allant trouver Pilate, Hérode, Caïphe et leur dire je vous l’avais bien dit. Jésus ne se pavane pas comme une vedette. Il ne veut pas en mettre plein la vue à ses détracteurs. Ce n’est pas son style.
Dis-nous, Marie, qu’as-tu vu en chemin ? J’ai vu l’humble lumière frissonner dans le matin. L’évangile ne cache pas que les disciples ont eu un mal fou à croire. Jamais ils n’ont envisagé cette issue. Mais l’évangile n’occulte pas, non plus, que quelque chose s’est passé dans le cœur des disciples qui sortirent de leur tombeau, le cénacle, pour annoncer qu’ils ont vu Jésus marchant avec eux sur la route, s’arrêtant pour partager un repas sur le bord du lac, les invitant à toucher ses plaies.
Ce qui est prouvable, disent les exégètes, c’est la métamorphose des disciples. Ces hommes peureux, sans instruction, sans culture et simples particuliers, qui s’enfuirent pour sauver leur peau, reviennent en force après l’apparition de Jésus. Ils voient autrement. Ils voient plus grand que l’humain Jésus. Leur foi n’est pas dogmatique. C’est un voir autrement, un voir nouveau. Qu’allons-nous faire de ces gens-là (première lecture)?
Posons-nous la question : sommes-nous possédés par le virus de voir la Vie qui surgit de Pâques comme nous sommes possédés par un virus grippal ? Peut-être serait-il exact de dire que nous sommes autant possédés par le virus pascal que par le poids de notre quotidien.
À votre contemplation : la mission de propager un monde infini, qui s’ouvre d’une manière absolument nouvelle, s’offre à nous. À nous qui lisons les saintes Écritures, les méditons, les mâchons, les contemplons, l’Esprit du Seigneur est sur nous pour nous faire entendre au quotidien cet appel qu’a reçu Philippe, de se lever, d’aller du côté du midi sur la route descendant de Jérusalem à Gaza (Ac 8, 26) pour annoncer ce ressuscité caché dans l’opacité de nos Galilée et qui nous dit ce qu’aucun prophète prestigieux qui émaille l’histoire n’a pu dire : je suis mort et maintenant je vis (Ac 1,18). AMEN.