2019-C- Jn 2, 1-11- 2e dimanche ordinaire - noces de Cana, une épiphanie de beauté
Année C : 2e dimanche du temps ordinaire (litco02d.19)
Is 62, 1-51; 1 Co 12, 4-11; Jn 2, 1-11. Épiphanie de beauté
Reprenons les paroles d'un père de l'Église : ils n'ont pas tout bu le vin, car nous en buvons encore aujourd'hui. Le premier geste-commencement de la vie publique de Jésus se résume à ceci : nous en buvons encore. Nous nous en émerveillons encore. Aujourd'hui, ce matin, ici, formant une communauté nuptiale, nous buvons encore de la compassion de Jésus pour nos manques. Nous buvons encore du vin de sa joie. Nous buvons encore son amour à être une présence signifiante dans nos vies. Nous nous émerveillons de son écoute de sa mère qui observait que la joie manquait. Ce récit trace la trajectoire de Marie et celle de Jésus.
Marie était là
Arrêtons-nous un instant sur cette demande de Marie : ils n'ont plus de vin. À comprendre, ils n'ont plus de joie. Ce récit ouvrant l'évangile de Jean contribue au lancement de la mission de Jésus, mission d’écoute de nos besoins que lui présente sa mère. De Cana à la Croix, Marie accompagne son fils. Elle l’informe de nos besoins. C'est beau.
Avec subtilité, en disant qu'elle était là, Jean dessine le ministère de Marie ou, pour citer la seconde lecture, le charisme de Marie. Pas de discours, pas de formule, pas de manipulation, pas de conseil à son fils. Marie est là et elle présente à son fils la réalité crue, toute crue, aucunement indignée par sa réplique : femme, mon heure n'est pas venue.
Ce qui est beau, c'est que Marie ne se tait pas. En ouverture de son évangile, Jean appelle à contempler, à regarder en profondeur la beauté de la mission de Marie : elle était là. Elle continue la mission du prophète Isaïe qui disait : pour la cause de Jérusalem, je ne me tairai pas (1re lecture). Elle trace, pour nous, l'urgence d’être là et de ne pas se taire devant les manques de joie de notre monde. Jésus répond avec empressement à ceux qui ne se taisent pas. Résultat: six jarres transformées en vin. Notre monde transformé en vin nouveau. En terre neuve toujours à naître. Est-ce trop beau pour être vrai ?
Jésus était là aussi
Marie était là. Jean appelle aussi à contempler en profondeur la beauté de Jésus qui était là. Trop souvent, nous nous arrêtons seulement à ses gestes. Nous voyons ce que Jésus fait sans voir qui se cache dans ce qu'il fait.
Il est beau ce Jésus qui accepte l'invitation d'assister à des noces. Cela dit son empressement à se réjouir d'un engagement dans un amour humain. L'invitons-nous à nos fêtes ?
Il est beau ce Jésus venu célébrer la vie, celle qu'il annoncera sur les routes de Galilée. Ce Jésus nous fait-il vraiment vivre ?
Il est beau ce Jésus qui nous dit sa proximité avec tous les invités proches ou éloignés de la pratique religieuse du temps. Jésus est-il vraiment proche de nous ?
Il est beau ce Jésus qui écoute la vierge de l’écoute, sa mère, qui est elle-même à l’écoute des besoins des époux de la noce. Nous sentons-nous écoutés par Jésus ?
Il est beau ce Jésus qui se présente lui-même comme l'Époux qui annonce ses propres noces dans le sang. Voyons-nous dans ces jarres d'eau transformés en vin, l'anticipation de son sang versé?
Tout transformer en beauté
Oui, ce premier signe de Jésus est éloquent. Impressionnant même. Signe-transformation provoqué par une demande adressée à Jésus et non une initiative de sa part. Signe-transformation en beauté d'une situation qui s'annonçait désastreuse. Au début de son évangile, Jean dresse le chemin d'évangélisation : refléter dans nos vies et insérer dans notre société cette beauté de Jésus. Ce signe-transformation à Cana inaugure la mission du chrétien de transformer en beauté une situation sans issue. Où en sommes-nous comme Église sur ce chemin ?
Des questions surgissent : quel est le vin qui nous manque, qui manque à notre prochain, qui manque à notre monde ? Est-ce la justice ? La sagesse ? La foi ? La tolérance ? L'espérance ? Le silence ? La confiance ? La simplicité ? Le pain quotidien pour tous ? La joyeuse bonté ? Le manque d'unité entre chrétiens ? Quelle ivresse nous manque-t-il pour éviter le reproche du pape François, d'être des chrétiens tristes ? Je dépose ces questions dans la corbeille de vos cœurs.
À Cana, personne n'est témoin de ce qui se passe. Le maître de maison en a rien vu, ni les invités. La transformation qui s’opère n’est pas spectaculaire. Elle ne concerne pas la vue, mais le goût. Ce geste est un «signe», une sorte d'épiphanie inaugurale de la manière de vivre de Jésus. Jésus fait du bien sans faire de bruit. Jésus-Parole préfère l’évangélisation de nos profondeurs à la publicité. L’agir de Jésus dans le secret des cœurs et non en cachette est le chemin pour manifester sa gloire, pour transformer la vie en quelque chose de plus précieux que la vie.
Nous voici donc invités à descendre au cœur de notre cœur pour y déguster ce vin nouveau qui transforme toute vie en fêtes nuptiales permanentes. AMEN.