2018-C-Lc 1, 39-48 - Notre-Dame Guadeloupe- Juan Diego
Année C : mercredi 2e semaine de l’Avent (litca02me.18)
Lc 1, 39-48 : Juan Diego, un inconnu de grande valeur
Émerveillement. C’était un 12 décembre 1531, Marie, comme c’est son mode fonctionnement, choisit un inconnu, un non instruit, l'indien Juan Diego, pour qu’on élève ici ma petite maison sacrée. Va au palais de l’Évêque de Mexico, et tu lui diras que je t’envoie pour lui révéler combien je désire qu’en ce lieu il m’offre une maison, qu'il me construise un temple dans la plaine. Comme preuve, elle imprima sur le tilma de l’enfant, ce vêtement des pauvres, son image qui, aujourd’hui encore, fascine la science par son énigme.
Nous passons cela souvent sous silence, Marie choisit presque exclusivement des gens simples, des jeunes, des enfants pleins de grâce dans leur indigence et rayonnants de simplicité. Elle s’arrête pour interpeller des enfants, ceux de Fatima, celle de Lourdes et tant d’autres, ouverts aux surprises de ses apparitions et empressés de répondre à son appel. Elle choisit des visages de gens qui vivent bien leur vie malgré leur situation précaire, issue de la culture du rebut, loin de l’esprit mondain, qui ne passent pas leur temps à se plaindre, à vivoter sur eux-mêmes. Marie choisit des visages de gens qui vivent en beauté une vie extérieurement sans beauté, qui vivent bien leur situation plutôt que de languir sur eux-mêmes. L’évangile de l’annonciation nous le confirme.
Et le signe demandé aujourd’hui, si c’était celui de tourner nos regards vers ces jeunes qui ne regardent pas la vie du haut d’un balcon, qui luttent pour la sauvegarde de la dignité des personnes, de la création, contre la pauvreté, les rivalités.
Le signe, aujourd’hui, si c’était celui de visages comme celui de Juan Diego, capables d’enthousiasmer l’avenir. Le choix privilégié de Marie donne du poids aux rejetés qui deviennent des pierres d’angle (cf. Mc 12,10). En effet, ce sont des rejetés qui réveillent les ankylosés, ceux qui sont habillés de vêtements somptueux, de phylactères (cf. Mc 12, 39). Ce sont les sans nom, les humbles qui illuminent l’avenir. Ils sont des pierres vivantes, des pierres d’angle qui ne déçoivent pas. Ils sont non des citoyens de seconde zone, mais des privilégiés élus à part entière pour montrer Jésus.
Mais une réalité demeure. Ce regard de Marie, qui donne de la valeur à tous les Juan Diego, qui les renippe, leur accorde de l’importance, est difficile à envisager comme chemin pour annoncer Jésus! Nos regards sont obstrués par l’idée de grandeur, de puissance, de pouvoir comme chemin de changement vers le mieux. Cela laisse entendre que nous comptons beaucoup trop sur la force des autres, des autorités religieuses pour évangéliser. Nous ne croyons pas, comme Juan Diego, à la force de notre non-puissance. Sa seule force fut son audace et sa capacité de marcher avec enthousiasme, de déranger sans craindre le refus l’évêque. Il a évangélisé l’évêque.
La logique de l’évangile que nous offre le récit de l’annonciation en s’arrêtant sur la petite Marie n’est pas la logique du plus fort de notre monde. Annoncer comme Juan Diego un projet aussi étonnant qu’imprévisible, aussi recherché que contesté, repose sur une vie débloquée de toutes ces choses terrestres qui nous attirent et fascinent à la fois.
Comme le jeune homme riche, nous avons beaucoup d'attachements qui ralentissent notre marche. Comme le fils cadet, nous sommes étonnés que quelqu’un nous ouvre ses bras, nous donne une étreinte de miséricorde et fasse la fête pour nous.
Contemplons aujourd’hui nos vies. Elles ressemblent à celle de Juan Diego, une vie sans éclat, une vie sans intérêt, parce qu’elle n’enrichit pas davantage les riches; c'est une vie belle, parce que sans prétention de faire de grandes choses, c'est une vie accomplissement de petites choses faites avec amour et tendresse. Écoutons Marie qui nous interpelle sur notre route pour nous arrêter de courir vers nulle part et nous dire que la foi se communique par des gens simples, sans histoire, sans renommée. AMEN.