2018-B-Lc 12, 8-12 -samedi 28e semaine - se déclarer pour Jésus
Année B : samedi de la 28e semaine ordinaire (litbo28s.18)
Lc 12, 8-12 ; Ep 1, 15-23 ; Ps 8,2-7 : se déclarer pour Jésus
Dieu nous a élus en lui (Ep 1,4). Dieu nous a élus justement parce que nous étions ces Barrabas que la foule réclamait de libérer. Élus jusqu’à nous épouser, dit le prophète Osée (Os 1, 2), pour marcher et mener une vie de louange tout en se tenant dans une fournaise en feu qu’est notre monde, sans qu’elle nous brûle vif (cf. Dn 3, 88). Si ce choix-là ne nous étonne pas, nous ne comprendrons jamais une telle prodigalité, une telle inconcevable générosité de Dieu.
Dieu nous a élus pour nous offrir la plus haute distinction que nous puissions obtenir, la plus grande promotion qu’il puisse nous accorder, celle de se déclarer pour Jésus, celle du service des autres. Il nous a élus pour refuser la tentation de grimper plus haut que les autres. Il ne doit pas en être ainsi pour vous (Mc 10, 43). Sur ce chemin vers le plus bas, vers l’agenouillement, Jésus nous précède. François d’Assise l’a bien compris en vivant l’évangile en descendant vers le toujours plus bas jusque dans le partage des stigmates de Jésus. Il a mené une vie engagée non pour les pauvres, mais avec eux.
Dieu nous a élus pour nous tenir dans la marginalité. Se déclarer pour Jésus, c’est mener une vie dans la marginalité. Une vie à l’envers. Récemment, un élu français athée, François Ruffin, disait qu’il apprend à aimer Jésus parce qu’il se tient dans la marginalité. Il affirme dans son dernier livre[1], écrit conjointement avec un évêque, que son Christ est celui qui a chassé les vendeurs du temple. Celui qui a brassé les cartes du toujours fait comme cela.
En se référant à l’affirmation qu’au commencement était le Verbe, il est convaincu que dans la lutte contre la résignation, dans la lutte contre l’indifférence, dans la lutte pour l’espérance, il y a le verbe. Ce Jésus qu’il trouve au cœur de son athéisme l’anime dans toutes ses prises de parole à l’Assemblée nationale française. Plus ça va, écrit-il, plus je considère que je remplis un rôle spirituel. Il se sent élu pour promouvoir une plus grande justice et déplore qu’on préfère plutôt une charité abstraite. Je m’inquiète d’une société qui consomme si avidement l’affiche de la charité […]. Le combat pour une justice tue plus que les pratiquants d’une charité abstraite.
Dieu ne nous a pas élus pour théoriser sur lui. Il ne suffit pas de dire: je crois en Dieu. Je crois que Dieu est l’unique. Il faut en vivre sur la route de la vie. Vous savez bien que celui qui veut aimer les choses du monde se pose en ennemi de Dieu (Jc 4, 4). Théoriser sur Jésus ne signifie aucunement que nous sommes proches de lui.
Se déclarer pour Jésus se fait en chemin, souvent dans la discrétion, en parlant peu. C’est porter sur les autres un regard attentif, le regard de Jésus. Marie est un bel exemple d’une vie élue, choisie, engagée à se déclarer pour Jésus. Quand Jésus exprimait à un scribe qui souhaitait le tester sur le plus grand commandement, il entend cette réponse vite effacée de nos mémoires tant elle met à l’épreuve celui qui la reçoit : va et fais de même. Va et vit ce que tu viens de dire.
Une question : comment savoir que nous sommes des élus? En découvrant dans la petitesse la plus petite, la grandeur de Dieu. En découvrant que dans ce qui est petit, sans valeur, se cachent une grandeur et une beauté impensable. Invraisemblable. Incroyable. C’est dans nos petits gestes, presque insignifiants, que nous nous déclarons pour Jésus. Ces petits gestes, pour utiliser un langage remis à jour durant l’année de la miséricorde, sont des œuvres de miséricorde que chaque élu est mandaté à perpétuer.
N’oublions jamais que notre foi est concrète. Le Verbe s’est fait chair, il ne s’est pas fait idée : il s’est fait chair. Il ne s’est pas fait loi. À nous de toucher la chair souffrante des autres pour poursuivre la révolution de la tendresse de Dieu (cf. Evangelii gaudium, no 270). Pour vous, un petit geste de tendresse de Dieu: prenez et mangez. Ceci est mon corps, livré pour vous. Amen.
[1] Ruffin, François et Leborgne, Mgr Olivier, Paix intérieure et Paix sociale, Temps Présent/MRJC, juin 2018