2018-B-Mt 11, 25-27-mercredi 15e semaine ordinaire - révélation aux enfants
Année B : mercredi de la 15e semaine du temps ordinaire (litbo15me.18)
Mt 11, 25-27 : révélation aux enfants
Il y a le magnificat de Marie. Nous le chantons tous les soirs aux vêpres. Il y a le magnificat de Jésus que vient de nous présenter Matthieu ce matin. Jésus est dans un état de joie, d’exultation, de louange. Mieux encore, Jésus est en état d’extase, de ravissement devant son Père. Père, je te rends grâce.
Il est aussi en état d’émerveillement pour les minorés, les petits. Dans une joie immense, il comprend que son Père leur «réserve» en priorité la révélation de son projet d’une terre neuve. Tel est mon bon plaisir. Cela va à contre-courant de l’acceptabilité sociale du temps. Paul confirme cela aux Éphésiens quand il dit que les païens sont admis au même héritage, associés à la même promesse, à la même révélation. Il ajoute : à nous a été confié de leur annoncer l’insondable richesse du Christ (Ep 3, 8). La soif spirituelle confirme que tous, de manière confuse peut-être, cherchent cette révélation que Dieu réserve aux moins que rien.
Le mot qui définit le mieux ce projet de Jésus est celui de déchirure (Gui Lauraire). Jésus, voilà la véritable déchirure, est dans un état de magnificence non devant les puissants, les leaders religieux, mais devant des moins que rien. Le prolifique théologien méthodiste américain Stanley Hauerwas écrit que Dieu a du temps pour l’insignifiant.
Ne prenons pas ce mot dans son sens injurieux. Entendons-le dans le sens de l’évangile de ce matin : les petits. Jésus est en état d’admiration devant les moins que rien. Il y a dans l'évangile de Luc trente-trois passages où Jésus fait explicitement état des minorés. Des insignifiants. Des petits. Il les fréquente, les côtoie, les «renippe». Ils deviennent tellement sa priorité qu’il leur révèle le Père et qu’il est dans le Père.
Vous n’aimez pas ce mot insignifiant. Je vous propose alors cette vision que Dieu a donnée à Julienne de Norwich, recluse anglaise du XIVe siècle, et connue sous le nom de vision de la noisette. Dieu lui a montré quelque chose de pas plus grand qu'une noisette qu’il tenait dans la paume de sa main.
Cette vision de la noisette représente l'infinie petitesse de tous les êtres créés. Je m’étonnai, dit Julienne de Norwich, que cette chose-là pût subsister, car, me sembla-t-il, un si petit rien pouvait être anéanti en un instant. Il me fut répondu dans mon entendement : II subsiste et subsistera à jamais, parce que Dieu l’aime. À comprendre : ce qui est petit ne tombe pas dans le néant parce que petit. La déchirure, ce qui est petit, est regardable par Dieu.
En 2015 a été publié un livre Le prix à payer où l’auteur, un musulman, Joseph Fadette, un nom fictif, fasciné par Jésus, décrit le récit de tout ce qu’il a souffert de sa famille pour recevoir le baptême. Il dit que pour son peuple, le chrétien est quelqu’un de minable qui dégage une odeur repoussante. Une odeur qui attire Jésus.
Jésus s’incline dans sa charte du bonheur sur la montagne, devant cette civilisation des déchets que sont les personnes oubliées, opprimées même pour des raisons religieuses. Jésus n’a pas traité tout le monde de la même façon. C’est aux insignifiants qu’il a révélé son identité. À vous, il a été donné de connaître. Au centre de l’évangile, il y a les insignifiants, les marginalisés. Question : qu’est-ce qui est au centre de nos vies de foi? Le rituel bien fait, le respect d’une tradition qui ne parle plus aux gens de notre époque ? Le sauvetage d’une institution qui a bien mauvaise presse ?
Ces petits appartiennent à l’Église par droit évangélique, déclarait Paul VI, en ouverture de la deuxième session du Concile en septembre 1963. Chiara Lubich a compris la profondeur de ce droit quand elle dit que le royaume consiste à être un, avec eux. Savons-nous être un avec eux, non pas seulement une fois par semaine pour nous donner bonne conscience ? Poursuivons cette grande déchirure qui annonce l’arrivée d’une terre neuve, sans division, sans mur protectionniste. Ce n’est pas facile. C’est notre proximité avec eux qui dit le mieux la qualité de notre foi. Ne résistons pas à la nouveauté qu’apporte Jésus. AMEN.