2018-B-Mc 9, 38-40 - mercredi 7e semaine ordinaire- parole aux absents
Année B : mercredi de la 7e semaine du temps ordinaire (litbo07me.18)
Mc 9, 38-40; Jc 4,13-17 : les absents ont des choses à nous dire sur Jésus
Aujourd’hui ou demain…nous irons dans telle ou telle ville […], nous ferons du commerce et nous gagnerons beaucoup d’argent (Jc 4, 13). Et Jacques ajoute : vous mettez votre fierté dans vos vantardises. Quand j’entends cela, j’ai l’impression de lire un texte écrit pour nous aujourd’hui. Que de projets nous avons pour faire fructifier les choses mondaines, pour utiliser le langage du pape. Que de poules aux œufs d’or nous espérons. Toute notre vie quotidienne est souvent orientée sur l’avoir, la recherche d’un plus.
Le démon, aujourd’hui (pardonnez- moi ce mot aux allures vieillottes), a visage des ambitions du pouvoir et [des] intérêts mondains (Exhortation sur la sainteté, no 91). La mentalité d’avoir toujours plus joue contre nous.
L’évangile parle d’un autre visage de ce démon. Ce visage, c’est celui de contrôler Dieu. Comment peut-il parler et agir ainsi, il n’est pas de notre bord. Le livre des actes des apôtres donne l’exemple d’un nommé Apollos, homme éloquent, versé dans les Écritures, qui parlait et enseignait […] ce qui concerne Jésus, mais n’était pas baptisé (Ac 18, 22-23). Songeons à Paul qui ne fut pas accepté auprès des chrétiens. Tous en avaient peur, ne croyant pas qu’il fur vraiment disciple (cf. Ac 9, 26). L’imprimatur de Jésus n’est pas réservé à un seul groupe.
Dans sa récente exhortation sur la sainteté, le pape François pourfend ces nouveaux pélagiens pour qui tout dépend d’eux. Même en dehors de l’Église, l’Esprit suscite des signes […] qui aident les disciples du Christ (no 9). Ces défenseurs de Jésus sont souvent habités par l’obsession de la loi, la fascination du pouvoir, le prestige de l’Église (no 57). Ils ne sont pas ouverts aux surprises de l’Esprit. Cela se produit, ajoute l’exhortation, quand certains groupes chrétiens accordent une importance excessive à l’accomplissement de normes, de coutumes ou de styles déterminés (no 58). Un tel agissement est l’une des formes subtiles de personnalités égoïstes.
Depuis que l’homme est homme, depuis le commencement des temps, partout on se dispute, on se querelle pour revendiquer le droit de s’élever au-dessus des autres. Nous classons les autres en fonction de leurs idées, de leurs mœurs, voire de leur manière de parler ou de s’habiller (no 71). Nous avons de la difficulté à accepter que des absents de nos églises, que ceux qui sont des distants à nos yeux puissent avoir quelque chose à nous dire au sujet de Dieu. Devant ceux qui parlent de Jésus sans être des nôtres, plutôt que de «dresser les oreilles» et de s’indigner, il faudrait les ouvrir. . Nous ne pouvons pas ignorer leurs réactions si nous voulons prendre au sérieux le principe de l’incarnation (cf. # 44). C’est vivre d’illusion que de songer que quelqu’un de totalement étranger à notre foi puisse ne pas bien parler de Dieu et en être son porte-parole La règle de saint Benoît (61, 4) pose cette question : est-ce que le Seigneur ne les a pas envoyés pour cela ?
Les réactions des disciples qui se plaignaient à Jésus que d’autres puissent parler de lui avec beaucou p de conviction ne confirment qu’une chose : leur cœur n’était pas un cœur ouvert, mais un cœur égoïstement refermé sur leur «possession» de Dieu. Plus nous sommes unis à Dieu, plus notre cœur prend de l’expansion. Qu’en est-il du nôtre ? Méritons-nous, nous aussi, ces vives réactions de Jésus ?
Je termine en citant longuement l’exhortation du pape François sur la sainteté (no 117) et qui rejoint l’essentiel de l’évangile entendu ce matin : il n’est pas bon pour nous de regarder de haut, d’adopter la posture de juges impitoyables, d’estimer les autres indignes et de prétendre donner des leçons constamment. C’est là une forme subtile de violence. Saint Jean de la Croix proposait autre chose : « Préfère être enseigné de tout le monde que d’instruire le moindre de tous ». Et il ajoutait un conseil pour tenir éloigné le démon : « [...| Te réjouir du bien d’autrui comme du tien propre [...], désirer que les autres te soient préférés en toutes choses, le désirer, dis-je, très sincèrement. De cette façon, tu surmonteras le mal par le bien, tu repousseras le démon loin de toi, tu auras le cœur dans la joie. Et tout cela, tu chercheras à l’exercer envers les personnes qui te reviendront le moins. Sache que si tu n’en viens là, tu n’arriveras pas à la parfaite charité, et que même tu n’en approcheras point ».
Au lieu d’exclure celles et ceux qui nous paraissent loin de Jésus, libérons en nous la capacité de les accueillir, de les écouter, peut-être ont-ils quelque chose à nous dire et qui porterait l’imprimatur Jésus. AMEN.