2018-B-Mt 5, 17-19 - mercredi 3e semaine carême- «ordonné» à un projet d'humanisation
Année B : mercredi de la 3e semaine du carême (litbc03me.18)
Mt 5, 17-19 : «ordonné» à un projet d’humanisation
En écoutant ce passage du sermon sur la montagne qui circonscrit le projet Jésus, un premier réflexe est de faire du zapping, de changer de poste parce que l’appel à un dépassement de l’ordinaire nous rebute. Parce que l’appel à éviter un comportement inapproprié semble dépasser nos forces. Peut-être aurions-nous mieux préféré voir Jésus abolir la loi plutôt que de l’accomplir ? Comme dans tous les films, le meilleur se trouve à la fin, comme au dernier verset : soyez parfait comme votre Père du ciel est parfait (Mt 5, 48). Prenons-nous au sérieux ce verset ? Comment ?
Ce que Jésus promeut dans sa charte des béatitudes, ce «soyez parfait», qui est l’accomplissement de la loi, est un projet d’humanisation, toujours à parfaire, qui est né dans son cœur par sa fréquentation des gens de son temps. En les fréquentant, Jésus apprend à identifier leur besoin. À la foule multi ethnique, multi religieuse, multi culturelle, Jésus offre un projet humanitaire de grande élévation.
Ce projet consiste à respecter chaque personne, à leur donner ou redonner leur dignité. Ceux qui agissent ainsi, même s’ils vivent dans la marginalité ou sont «en dehors de l’Église», attestent de l’accomplissement de la bonne nouvelle. C’est ça l’évangile. Dans l’exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi, toujours actuel, Paul VI écrit qu’on peut aussi se sauver même si on ne connait pas l’Évangile (no 80).
Jésus démontre ce fait en côtoyant les prostituées et les publicains (cf. Mt 21, 31), en respectant la samaritaine (cf. Jn 4, 1-42), en refusant de condamner le refus du jeune homme riche à le suivre (cf. Mt 19, 22-22), en s’invitant à la table de Zachée (cf. Lc 19, 1-10). Il pratique ce qu’il dit jusqu’à la perfection. Il donne de la dignité à ceux qui n’en ont pas.
Bien comprendre ce fameux discours, c’est se mettre au service des autres. Jésus propose un chemin de service de l’autre. Tout l’évangile ne vise qu’une chose : servir l’homme, déclare Paul VI dans son discours de clôture du concile Vatican II, le 7 décembre 1965.
Jésus ne parle pas de renouveler la loi, de la rajeunir; il pose une nouvelle exigence: servir l’homme jusqu’à la perfection. Il n’y a pas d’autre accomplissement de la loi que cela, même si cela est impossible. Le sermon nous tient en état de marche vers cette réalisation.
Questions : jusqu’à quel degré de perfection vivons-nous en favorisant l’émergence de cet acte humanitaire de servir l’homme dans nos manières de vivre ? Développons-nous des œuvres de miséricorde comme antidote au virus de l’individualisme,[1] se demande le pape François dans l’une de ses réflexions durant l’année de la miséricorde ? Il ne suffit pas d’entendre ce discours, il faut être des signes authentiques de sa faisabilité.
Notre environnement social favorise grandement la pratique de l’accomplissement de la loi : l’assistance mutuelle, le soutien des migrants, l’éducation des jeunes, la visite des malades, l’accompagnement des mourants, le pardon des offenses, la réconciliation entre les adversaires, le combat pour la justice, contre la traite d’êtres humains ou d’esclavages modernes, etc. Ces lieux sont nos «sorties» à privilégier comme chrétiens. Comme humains.
À votre contemplation : nous sommes «ordonnés» à servir l’homme plutôt que de le persécuter en l’ignorant ? Je suis celui que tu persécutes (Ac 9, 19). Que tu ignores. «Ordonnés», au sens fort du terme, à la charité. Voilà le chemin de l’accomplissement de la loi. Prenons-le. AMEN.