2018-B-Lc 5, 27-32 - samedi des Cendres- sortir du chaos
Année B : samedi des Cendres (litbc00s.18)
Luc 5, 27-32 : Lévi : un appel qui le sort du chaos
Avant que Jésus ne se présente dans sa vie, Lévi vit dans le chaos et la confusion. Tout est confus en lui, ses idées, ses relations, son agir. Lévi se cherche; comme se cherchent la samaritaine, les désorientés disciples d’Emmaüs, les ambitieux apôtres soucieux d’être assis l’un à droite, l’autre à gauche dans le royaume (cf. Mt 20, 20). Songeons à la déception et à la confusion des apôtres après une nuit de pêche non fructueuse (cf. Jn 21,3). Dans chacune de ces situations, Jésus oriente les regards des désorientés, de ceux qui ne savent pas ou ne savent plus où aller. Même le pharisien Saul de Tarse, qui se croit sur la bonne voie, se vit rebondir par une simple parole entendue dans le brouillard de sa vie.
Cette confusion est présente en nous-mêmes, en nos communautés, dans notre Église. Ce n’est pas nécessairement négatif. Nous sommes des désorientés parce qu’en chemin. Désorientés par notre société. Désorientés par le comportement d’une consœur. Désorientés par les cheveux blancs de nos églises. Lévi est désorienté, confus. Quand cette désorientation individuelle devient contagieuse et affecte tout le monde, alors elle devient dangereuse. Jésus oriente les désorientés. Sa proximité les sort du chaos.
Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les [désorientés] (Mt 9, 13). Autre manière de dire que Jésus vient pour ceux qui sont en chemin. Celui qui est toujours assis ou couché ne se sent jamais désorienté. Il ne bouge pas, il n’avance pas. Quand cette situation nous incommode, l’important c’est de chercher un guide plutôt que de se renfermer sur soi-même. De chercher, comme nous le chantons chaque matin, ce soleil levant venu éclairer ceux qui sont dans les ténèbres et qui peut diriger nos pas sur le chemin de la paix (Lc 1, 78-79).
Et si nous offrions durant ce temps du carême nos désorientations à Jésus ! Le pape François rapporte que saint Jérôme, qui avait contrôlé son mauvais caractère, priait ainsi le Seigneur : que veux-tu de plus de moi ? Il entend cette réponse : tu ne m’as pas encore tout donné. Mais, Seigneur, je t’ai donné cela, cela et cela. Il te manque une chose. Que me manque-t-il? Donne-moi tes péchés. Donnez à Jésus notre confusion, nos désorientations, nos failles, nos regards enténébrés pour nous tenir en chemin. C’est beau d’entendre cela en ouverture du carême.
Le carême n’est pas un temps plus ascétique que les autres. C’est un temps pour sortir de nos désorientations en revenant au Seigneur. L’important n’est pas de montrer que nous faisons carême, que nous nous privons, l’important, et c’est une réponse aux attentes de notre monde, c’est de montrer que nous sommes en chemin pour revenir au Seigneur, source de notre vie. Pour «recontempler» le regard de Jésus sur nous. Regarde-le (Claire d’assise). Toute vie chrétienne repose, s’appuie sur ce regard.
Le pape François, dans l'Exhortation apostolique la Joie de l’évangile (no 264-267) écrit qu’il est nécessaire de prendre le temps de lui demander dans la prière qu’il vienne nous séduire. Ce temps du carême est donc un temps pour nous laisser séduire sans maquillage. Montrer un cœur brisé vaut plus que tous les sacrifices et renoncements. Le sacrifice qui plait au Seigneur, c’est un cœur brisé et tu ne repousses pas, mon Dieu, un cœur brisé (Ps 50, 19).
N’est-ce pas, ici dans ce monastère, votre manière de contribuer à l’évangélisation de notre monde, de notre Église ? Transmettre aux autres la beauté de méditer Jésus, [de] le regarder, [de] le contempler (Claire d’Assise), de revenir au Seigneur en nous laissant séduire comme Lévi, par son regard posé sur chacun de nous. Vraiment, s’interroge le pape dans la joie de l’évangile (cf. no 264), y-a-t-il plus beau que cela à transmettre aux autres ?
À votre contemplation : Marie, désorientée, offre cela au Seigneur dans son Magnificat. Malgré ses désorientations devant cette annonce, le tout puissant fit en moi de grandes choses. C’est la volonté de Dieu de ne rien exiger d’autre que nos failles, nos culbutes émotives, nos compromissions avec notre retour à lui. N’est-ce pas là le sacrifice qui plait le plus au Seigneur. AMEN.