2018- B- Mc 8, 1-10 - samedi 5e semaine ordinaire - nourrissez-les
Année B: Samedi de la 5e semaine ordinaire (litbo05s.18)
Marc 8, 1-10 : ne renvoyez personne à jeun
Avons-nous soupçonné un seul instant en écoutant ce récit du pain multiplié que nous sommes en présence d’un geste révolutionnaire ? Jésus s’occupe des autres. Véritable révolution à l’époque. Le système religieux favorisait la logique de l’exclusion. Par son geste, Jésus ouvre sur une autre logique, celle de l’inclusion. Il offre à tous, peu importe sa religion, sa nationalité, sa culture, sa situation sociale, de quoi manger. C’est toute une révolution.
À l’époque de Jésus, toute la vie tournait autour du Temple. Autour du pur et de l’impur. L’impur étant celui qui ne fréquente pas le Temple, ne donne pas généreusement dans le tronc en y entrant. Les leaders religieux érigeaient des murs entre pratiquants et non-pratiquants. Ils se lavaient souvent les mains pour éviter la contamination avec les impurs, les non-pratiquants de la loi.
Jésus agit en sens inverse. C’est le pur qui devient contagieux, dangereux, voire impur. Les évangélistes rapportent que Jésus touche plus l’impur que le pur. Il l étend la main sur les malades, touche les lépreux (Mc 1,40-45), dont il fallait se tenir à distance. La révolution Jésus culmine lorsque de l’impureté par excellence qu’est la mort, il fait jaillir la vie par sa résurrection. Là, dans ce geste, ce n’est plus l’homme qui se sacrifie pour son Dieu, c’est Dieu qui se sacrifie pour nous, qui se fait nourriture.
Pour nous faire comprendre cette nouveauté, Jésus utilise une parole trop entendue, énigmatique, qui demande à être méditée, et non pas consommée tout de suite. Donnez-leur vous-mêmes à manger (Lc 9 ,13). Semez dans la profondeur des terres et elles donneront du fruit. Comme on souhaiterait que l’effet de sa parole soit instantané !
Ceux-ci les distribuent (Mc 8, 6). Des paroles absolument irréversibles qu’on ne doit pas oublier une fois entendues. Jésus nous associe à son travail de nourricier. Ce sont des paroles, jubilé de libération pour les affamés, fondement d’une logique d’ouverture à tous les tombés de la route (Cf. Lc 10, 25-37), de nos frères de la montagne et de nos frères de la plaine, disait Christian de Chergé.
Première remarque. Jésus invite à donner à manger à une foule de gens qui ne se tenaient pas dans les temples parce que non rejoint dans leur être profond par l’enseignement des docteurs de la loi. En Jésus, il n’y a pas d’exclusion. Toutes les faims sont à soulager.
Deuxième remarque. Sa demande dépasse le cercle des disciples. Elle est entendue par ceux et celles, et ils sont nombreux autour de nous, qui offrent à chaque personne en situation de faim quelques miettes de petits gestes qui soulagent et apaisent. Chaque personne, chrétienne ou pas, de l’intérieur ou sur les parvis de nos églises, qui se sent concernée par les faims du monde et qui offre des miettes de soutien, devient complice de cette demande. Si je n’ai pas de souci pour les autres, la charité, je ne suis rien (1 Co 13, 2).
Dans ce refus de Jésus de renvoyer les gens avec des estomacs vides, se dégage un souci de rejoindre les besoins des autres. Jésus prend les affamés au sérieux. Il sait les voir. Les entendre. Il les regarde dans les yeux et il comprend leur faim, leur angoisse. Son geste valorise chaque personne et repousse la tentation de ne rien faire parce qu’on n’a que des miettes. Jésus est ce lève-toi et marche. Un mot ramasse son agir, sa spiritualité : attention. C’est le point de départ de sa bonne nouvelle. De toute évangélisation.
Savons-nous voir, porter attention comme Jésus? Mettons-nous en pratique sa demande : ne renvoyez personne à jeun ?
À votre contemplation : Marie a donné à manger en partant visiter sa cousine. Sa joie est tellement manifeste qu’Élisabeth prononce le premier Ave de l’histoire : Bénie es-tu, entre toutes les femmes. Qu’elle rende notre écoute aussi attentive que la sienne et qu'elle nous soutienne à servir avec une charité sans défaut (Oraison). Laissons-nous bouleverser par les faims du monde. AMEN.