2016-C- Lc 9, 23-26- stigmates de François
Année C - samedi de la 24e semaine ordinaire (litco24s.16)
Luc 9, 23-26 ; Ga 6, 14-18 : la souffrance parfaite = stigmates de François
Ce matin, nous soupçonnons la joie de François de se voir, au terme de sa vie, transformée en une même image, celle du Christ qu'il a tant regardée et fixée sur la croix (Ga 9, 12). Nous imaginons comment il désirait éprouver sa cruelle passion pour nous. Le véritable amour a transformé l'ami du Christ à la ressemblance exacte de celui qu'il aimait (Bonaventure).
Nous ne pouvons aussi que demeurer sur le seuil des stigmates tant il n'est pas possible aux humains d'en parler sans en trahir le mystère. Joie et douleur, ces deux mots courent comme en filigrane dans cette fête comme dans la vie de François. Ils sont inséparables. L'un ne va pas sans l'autre.
Impossible de comprendre la longueur, la profondeur et l'intensité de la joie de François qui voit ainsi Jésus confirmer sa forme de vie. Sa joie est un secret dont nous pouvons parler, mais seulement de l'extérieur. Impossible aussi d'atteindre la profondeur de sa souffrance. Dois-je ajouter, de sa souffrance parfaite. Elle est indescriptible. Nous pouvons seulement la soupçonner à distance. De l'extérieur.
Toute sa vie, François a marché à la suite de Jésus; il a renoncé à lui-même, a porté sa croix. Mais sur le mont Alverne, Jésus, pour me permettre une image, allume le commutateur qui permet à François de voir, dans toute sa lumière, ce qu'il vivait dans l'obscurité. Pour un instant, François vit en pleine lumière la passion de Jésus. Il voit ce qu'il entrevoyait. Il éprouve ce qu'il pressentait. Il boit à la coupe dont il avait tellement soif. Moment de bonheur indescriptible. Pour un instant qui marquera le reste de sa vie, ce n'est plus François qui vit, mais le Christ qui vit en François.
Après avoir goûté à cet instant de béatitude, la lumière s'éteint, mais son corps ne peut plus lui cacher les souffrances de Jésus tant il éprouvait autant qu'il était possible, toutes ces souffrances que Jésus avait éprou-vées en lui-même au temps de sa très amère Passion. Il signait ce que Paul écrivait : je porte dans mon corps la marque des souffrances de Jésus pour moi (Gal 6, 18). Son corps ne peut plus aussi cacher à son entourage l'intense intimité qui l'unissait à Jésus. Son intense secret.
Durant la vie de François, Jésus s'est montré à lui à travers le lépreux, à travers le rejet des siens, par un soir d'hiver, à travers le sultan dont il s'est approché sans crainte. Sur le mont Alverne, François expérimente ce qui est arrivé à Jésus. Il expérimente non plus de l'extérieur, mais de l'intérieur de la passion de Jésus. Comme les apôtres au matin de Pâques, François vit (dans le sens de voir et de vivre) en pleine lumière. Il obtient la grâce d'éprouver dans la pleine lumière ce qu'il a tant demandé, de souffrir la passion comme Jésus lui-même l'a souffert. Le commutateur fermé, son être battait du même amour sans mesure de Jésus pour les siens.
En se rendant visible puis invisible, Jésus a sculpté avec une telle force sa passion en lui qu'il reconnaissait le Seigneur partout. Partout, il le voyait souffrir pour nous. Partout, il ressentait tellement de l'intérieur son immense amour qu'il fut le reste de sa vie une eucharistie vivante.
Quel message nous lance cette fête ? Si nous levions les yeux plus souvent vers la croix, nous n'accuserions pas si facilement Dieu de ne pas se soucier de nous. Nous serions incapables de prétendre qu'il nous abandonne. La seule chose qu'il nous reste à faire est de laisser entrer la lumière de la croix en nous. De nous laisser fasciner par elle à tel point que tout le reste apparaît tellement sans valeur qu'on s'empresse de tout vendre, de se délester de tout pour acquérir ce trésor.
Ce que François nous apprend, c'est que contempler la croix est la plus grande grâce que Dieu nous fait parce qu'elle est la plus grande œuvre de Jésus. Pour tout disciple, et pour vous qui suivez la règle de François, il n'y a pas d'autre chemin pour vivre dans un état extatique votre quotidien que de fixer la Croix jusqu'à ce qu'elle soit pour nous notre orgueil (Gal 6, 14). AMEN.