2016-C-Jn 14, 7-14 -samedi 4e semaine pascale- l'alchimie entre nous et le Père
Année C: samedi de la 4e semaine de Pâques (litcp04s.16)
Jn 14, 7-14 : l'alchimie entre nous et le Père
Ce passage de l’évangile, qui me voit, voit le Père, ne fera pas la une des journaux aujourd'hui. Ces mots ne provoqueront pas de commentaires, puis des commentaires sur les commentaires. Pourtant cette page est une nouvelle plus importante que tout ce qui peut faire les gros titres de l'actualité. Que celle des attentats récents de Bruxelle. Elle peut changer pas mal de choses dans l'histoire du monde.
Que veut dire «Voir le Père dans le Fils et voir le Fils dans le Père»? C’est difficile de saisir le sens de ces pa-roles ; leur compréhension passe par le passage obligé de la mort de nos regards à quelque chose qui s'appelle le visible, à tous ces événements extérieurs qui prennent tant de place. Aujourd'hui, l'intérêt pour les choses d'en haut est soigneusement et efficacement oublié. Le manque d'intimité avec la Parole de Dieu fait que nous nous arrêtons sur le seuil de sa beauté.
Mais, qu'elle est cette beauté ? Elle se réalisera en établissant entre Jésus et nous la même intimité qu'entre Lui et son Père. Et on goûtera à cette extraordinaire alchimie et séduction mutuelle qui existent en Dieu. Tout ce que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai fait connaître. Telle est l'intimité à laquelle Jésus nous invite. Telle est l'alchimie qui nous est proposée. Qui sommes-nous pour être des invités à une telle intimité avec Lui ? Avec le Père ?
Jésus ne veut rien nous cacher. Il nous donne tout ce qu'il a, tout ce qu'il est. Il veut que je connaisse ce qu'il connait, que je vois ce qu'il voit, que j'entende ce qu'il entend, que je devienne fils du Père comme lui. Nous n'avons qu'un mot, un mot fort, pour dire ce désir de Jésus de nous voir unis à Lui, de nous voir en Lui et Lui en nous, comme il L'est à son Père : miséricorde.
À lire en profondeur ce passage de Jean, une conclusion s'impose : par miséricorde, Dieu nous veut en Lui et Lui en nous. Si un tel bouleversement ne fait pas la une de nos journaux, c'est simplement parce que l'intimité avec quelqu'un, l'alchimie avec un autre, exige à ne plus avoir de moi propre.
Jésus n'avait pas de moi, il avait celui de son Père. Le Père et moi sommes un. L'intimité, la vraie, conduit à une diminution héroïque de mon moi. Cette alchimie avec Jésus ne supprime pas notre moi, il l'engloutit dans le sien. Aussi longtemps que mon moi aura priorité sur l'autre, cette page, pourtant révolutionnaire, ne fera pas la une des journaux.
Nous devons mieux connaître le Père. Jean, l'apôtre de l'intimité, nous veut contempler ce Père à partir de son Fils en lui offrant nos personnes, nos volontés, nos vies. N'est-ce pas cela le culte en esprit et en vérité (Jn 4, 23) ? Pour établir cette alchimie avec le Père, il nous faut passer par le Fils qui en est la porte. Nul ne va au Père si ce n’est par moi (Jn 14, 6). La voici, la bonne nouvelle : on nous appelle « enfants de Dieu », et nous le sommes. Et si c'était à la une de nos journaux !
Attention, cette intimité n'est pas un opium pour nous empêcher de voir les ravages de la pédophilie, de l'exploitation des enfants sans défense, des migrants cherchant une terre hospitalière. Tout ça existe. Ne fermons pas les yeux ; mais ne nous laissons pas berner par leur «promotion» qui a pour objectif d'attirer sur eux toute l'attention.
Pour voir ce grand bouleversement d'être dans le Père, il faut être des «voyants». Jésus reproche à ses interlocuteurs de poser sur Lui un regard incapable de voir l'invisible. De tout temps, Jésus demeure un livre scellé, que nul ne peut lire (cf. Ap. 3). Scellé, inaccessible, parce que seule la contemplation prolongée peut briser ce «sceau» ouvrant sur sa personne. Dans ce sceau se trouvent cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance (cf. 1 Co 1, 24). Jésus cache un véritable trésor, mais l'accès est difficile (2 Co. 3, 12-18).
Ôtons le voile de nos yeux et contemplons son invitation à vivre en Lui comme Lui vit dans le Père. AMEN.