2016-C-Jn 3, 7-15- mardi 2e semaine pascale - Nicodème et nous ?
Année C: mardi dd la 2e semaine de Pâques (litcp02m.16)
Jn 3, 7-15 : et Nicodème, si c'étaient vous et moi?
Vous voulez voir un croyant ambigu. Vous voulez voir quelqu'un qui n’est ni chaud ni froid. Vous voulez voir à quoi ressemble quelqu'un qui n'est pas capable de se brancher. Regardez Nicodème. Il voulait suivre Jésus chez qui il soupçonnait une belle profondeur de sens, mais il ne souhaitait pas s'éloigner de son titre de membre du Sanhédrin. Son cœur brûlait pour Jésus, mais demeurait attaché à l'héritage culturel qui était le sien.
Ce théologien éprouvait une grande soif de vie intérieure. Jésus lui propose un chemin pour naître à Dieu, un chemin de sortie d'une vie spirituelle ambigüe, axée sur une pratique tout extérieure de la loi de Moïse, celui de descendre dans ses profondeurs. Il lui propose d'entrer en lui-même en tournant le dos à un Dieu extérieur à lui-même.
Vous voulez voir une communauté chrétienne non branchée. Vous voulez voir comment il n'est pas facile d'opter pour la contre-culture évangélique. Vous voulez voir comment ce commandement de privilégier de mauvais placements qu'est la mise en commun est plus une utopie qu'une réalité. Alors, regardez la première communauté chrétienne. Tous les croyants mettaient tout en commun [...], nul ne disait sien ce qui lui appartenait (Ac 4, 32). C'est très beau. C'est trop beau pour être vrai quand le récit ajoute qu'un couple, Ananie et Saphire, a triché parce qu'il conservait pour lui une partie de la somme (cf. Ac 5, 1-11). Paul indique la même direction : ne recherchez pas chacun vos propres intérêts, mais plutôt que chacun songe à ceux des autres (Ph 2, 3).
Nicodème est l'image de la plupart des chrétiens actuels. De chacun d'entre nous. Nous voulons Jésus et la mondanité. Nous voulons vivre l'Évangile sans la croix. Il est triste, répète sous différentes manières le pape, de voir un chrétien qui veut suivre Jésus et la mondanité. Avec son style imagé, le pape affirme que la mondanité nous fait chrétiens de pâtisserie, une belle tarte, quelque chose de très doux, mais pas de vrais chrétiens (discours à Assise).
Nos communautés chrétiennes vivent aussi de l'intérieur le dilemme que rapportent les Actes des apôtres. Nous pouvons être fascinés par la mise en commun, mais attirés aussi par la possession pour soi des biens. Dans une homélie lors de son voyage au Mexique, le pape parlait de trois tentations qui cherchent à détruire l'évangile dont la première est celle de s'approprier les biens qui ont été donnés à tous, les utilisant seulement pour moi ou pour les miens. Posons-nous quelques questions: reconnaissons-nous que cette culture de l'appropriation est la nôtre ? Qui peut affirmer honnêtement qu'il met tout en commun ? Nous partageons nos superflus.
Le message de ce temps pascal est d'une clarté dérangeante. Il nous appelle à vivre d'un souffle nouveau. Ce souffle qui a perturbé Nicodème. Ce qui est né de l'Esprit est Esprit (Jn 3, 6). Jésus a inauguré sa vie publique par une affirmation paradoxale: ce n'est pas la paix que je suis venu apporter, mais le glaive (Mt 10, 34-35).
Ce temps pascal nous propose d'aller à contre-courant. Il invite les chrétiens à se donner une contre-culture, celle de l'évangile. Nous ne le dirons jamais assez, Jésus est un grand subversif de la culture religieuse de son temps. Il choque son auditoire qui veut le lapider. Il soulève un bouleversement social sans précédent. Jésus n'est pas cet homme gentil que l'on s'efforce de présenter.
Au matin de Pâques, il promeut un retournement dont la miséricorde est la pierre angulaire. Pâques initie une nouvelle race d'humain ligué, écrit Celse, écrivain du Ier siècle, contre toutes les institutions religieuses et civiles [...], ce sont les chrétiens (cf. Denis, Jean Pierre, Pourquoi le christianisme fait scandale, Éd. Seuil, 2010, p.201). En lieu et place, il promeut l'exaltation d'une nouvelle loi; moi je vous dis (Mt 5, 21).
À travers ce grand dimanche, émerge une certitude inébranlable: personne ne peut enterrer la lumière. Elle finira toujours par nous rejoindre à un détour du chemin, par réchauffer nos cœurs, comme l'ont éprouvé les disciples retournant vers leur Emmaüs natal. AMEN.