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Année C : samedi, octave de Pâques (litcp00s.16)
Mc 16, 9-15  - l'urgence est de «désimaniger» Pâques.

Aucun langage, aucune représentation ne peut dire Pâques. Devant ce qui arrive à Jésus, nous ne pouvons que balbutier des paroles qui surgissent de notre être profond. De notre expérience de Dieu. Pour dire Pâques, un devoir de «désimagination» s'impose pour citer un penseur chrétien, un  grand spirituel, contesté de son vivant, maître Eckhart.

Pâques est au-delà des mots, au-delà de toute imagination. Pâques est l'arrivée d'un style d'existence dans l'esprit même qui animait Jésus (cf. Musset, Jacques, Être chrétien dans la modernité, Golas, 2015, p.92). Pâques, c'est l'«impensabilité» pour reprendre les mots d'Henri Le Saux.

Impossible d'imaginer Pâques, et pourtant, si Jésus n'est pas ressuscité, vaine est notre foi. Si Jésus ne vit pas en nous, n'est pas actualisé en nous, ne suscite pas en nous une vie nouvelle, ne fait pas de nous des créatures nouvelles, vaine est notre foi. À quoi peut bien servir la foi pascale, si je ne l'applique pas en moi. Montre-moi tes œuvres et je te dirai si tu as la foi (cf. Jc, 2, 17).

Mais comment annoncer l'inimaginable qu'est Pâques ? Comment montrer cette vie nouvelle si nos mots en confirment l'impensabilité ? En reconnaissant Jésus. Au matin de la résurrection, le Christ « s’arrête » devant la souffrance de Marie-Madeleine comme il s'est arrêté de son vivant devant toutes les souffrances. Dès la première heure de Pâques, il continue à s'occuper de la douleur et de l’amour de Marie.

Marie-Madeleine apparaît dans les évangiles comme une grande amoureuse de Jésus. Elle pleure de douleur. Elle pleure par amour. Elle pleure dans l'angoisse. Elle pleure de peur. On a enlevé mon Seigneur et je ne sais  pas où un l'a mis (Jn 20, 23). Comme l'exprime souvent le pape, pleurer est l'expression d'une douleur inexprimable. En thérapie, pleurer ouvre un chemin de descente vers nos profondeurs. Pleurer met en œuvre le commencement d'une bonne nouvelle.

Personne ne peut décrire comment s'est produite cette rencontre, mais elle fut le commencement en Marie Madeleine de toutes choses nouvelles (Ap 21, 5). Sa tristesse se transforme en joie débordante. Jésus ne se cache pas à Marie-Madeleine. Elle ne l'a simplement pas reconnu, trop préoccupée à le chercher là où elle pense pouvoir s'emparer de son corps. Cet épisode scelle toute expérience chrétienne. Elle est une sorte de synthèse de l'expérience pascale. 

Reconnaître Jésus, le nouveau Jésus, exige une conversion du regard. Pour Marie-Madeleine, déchirée par la tristesse, se fut son nom prononcé avec une telle intensité qu'elle s'est retournée (Jn 20, 16). Pour les disciples d'Emmaüs, tenaillés par leurs idées sur ce qui s'est passé et la lenteur de leur cœur à croire aux prophètes (Lc 24, 25), ce fut la fraction du pain. Pour Pierre et ses compagnons, revenants d'une nuit de pêche, épuisés par une nuit blanche et déçus de n'avoir rien pris (Jn 21,5), ce fut l'invitation à déjeuner. 

L'expérience de rencontre avec le «nouveau» Jésus a été si marquante pour cette femme comme pour les apôtres que toute leur vie fut de demeurer ancrée dans cette rencontre qui les pousse à sortir pour annoncer l'inimaginable. Cette rencontre ne les cloue pas au passé. Elle les propulse dans l'avenir. Va dire à mes frères.  Annoncer Pâques signifie demeurer ancrée dans cette expérience de l'avoir rencontré.  La mission est toujours le rayonnement d'une rencontre personnelle avec le Seigneur, mort et ressuscité pour sauver toute l'humanité.

C'est en reconnaissant Jésus que nous donnons de la crédibilité à l'Évangile de Pâques et non en déclinant des formules issues d'une autre époque, d'une autre culture. Ce matin, Marie-Madeleine nous dit, et dit à toute l'Église qu'annoncer le Ressuscité naît du visage du Ressuscité que notre rencontre de Jésus burine sur nos visages. AMEN.