2016-C-Mc 4, 35-41-samedi 3e semaine ordinaire- vivre sans tempête ?
Année C: samedi de la 3e semaine ordinaire (litco03s.16)
Mc 4, 35-41: tant que tu n'as pas crié, tu n'es pas vraiment en vie
Mais question étonne: quand est-ce qu'un événement devient une tempête ? Pourquoi des événements apparaissent-ils comme des tempêtes alors que d'autres du même ordre n'en sont pas ? Réponse : quand nous n'en comprenons pas le sens. Les tempêtes sont des tempêtes justement parce que nous n'en comprenons pas le sens. Elles deviennent alors insupportables. Absurdes. Incompréhensibles. Si on en comprenait le sens, si nous les choisissions, elles ne seraient plus des tempêtes.
Les tempêtes sont des moments d'épreuve qui ne sont pas spécialement attirants. Il serait morbide de les désirer tant elles entrainent bouleversements et remises en question. Elles cassent le rythme de nos vies. Elles nous placent devant nos fragilités. Nos vulnérabilités intérieures aussi.
Notre premier regard sur elles est repoussant. Ces moments souffrants, déstabilisants, qu'on ne souhaite à personne, sont pourtant les plus beaux qui puissent nous arriver. La vie ne consiste pas à attendre que l'orage passe, mais à apprendre à danser sous l'orage. Un poète indien, Kabir, écrit : lève-toi et va marcher sous la pluie.
Les tempêtes cachent tout. Contiennent tout. Ouvrent sur un monde meilleur. Ce sont des moments de renaissance. Ça réveille. Elles font mourir des choses en nous, mais ne tuent pas. Il ne faut pas nous débarrasser des tempêtes, c'est impossible, mais nous en détacher. Ce qui semble être un fardeau peut devenir une bénédiction. C'est dans les tempêtes que notre foi grandit et non quand nous surfons sur le haut de la vague.
Comment affirmer cela ? En regardant Jésus. Jésus ne montre-t-il pas qu'un champ de bataille, que toute croix peut devenir un autel où tout refleurit autrement. Dans le mot pascal, il y a le mot mort et vie. Jésus n'a pas désiré les tempêtes. Pourtant, il a passé sa vie dans une tempête permanente dont celle de vivre dans un état de pauvreté incompatible avec sa divinité. Au lieu de vivre de l'extérieur son abaissement dans le plus bas, Jésus y a pénétré jusque dans les profondeurs les plus dramatiques, dans les enfers, dit la Bible, celle de la croix. Jésus, comme nous, les a portés en pleines ténèbres (cf. François de Fénelon, XVIIe siècle) tout en s'abandonnant avec confiance à son Père.
Dans la barque, les disciples ne voyaient que d'immenses vagues. Ils étaient inquiets pour leur vie. Que s'est-il passé ? Ils ont fait ce qui est humain, ce que nous faisons quand une tempête nous assaille, qu'elle soit temporelle ou spirituelle. Ils ont appelé à l'aide. Ils ont crié. Ce cri a fait basculer dans la foi des disciples trop accoutumés à Jésus. Leur peur les a fait crier, mais plus forte que la peur, c'est un cri de confiance en quelqu'un qu'ils ont lancé. Un cri d'abandon à quelqu'un. L'abandon est facile quand tout va bien, mais difficile quand ça va mal.
Les maîtres spirituels nous disent: tant que tu n'as pas crié, tu n'as pas vraiment prié. Cette affirmation est très forte. Quand un pauvre crie, Dieu entend. Il le sauve de toutes ses angoisses (Ps 33, 7). Heureux celui qui ne doutera pas dans les moments d'intenses ténèbres. Celui-là ne sombrera pas, car ma main sera étendue sur sa tête,, dit Jésus. À la réponse de Jésus, nous pouvons clamer ce psaume: je bénirai le Seigneur en tout temps, de nuit comme de jour, sa louange étant sans cesse à mes lèvres (Ps 33, 1).
Le message que les disciples nous lancent, ce matin, est double. 1) Dans la tempête s'ouvre le chemin de notre vrai moi, celui de nous en remettre avec confiance à Dieu. 2) En avançant profondément en elle plutôt que de l'affronter en surface, surgit lentement un grand calme.En effet, dit-on, après la pluie, le beau temps; et que les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Aussi, au malheur succède une paix relative, voire un véritable bonheur.
Employant le style du pape François, je nous lance cet appel : n'oublions pas la présence de Dieu au coeur des tempêtes. Je termine par cette prière célèbre attribuée à un théologien protestant Niebuhr: donne-moi la sérénité d'accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer les choses que je peux et d'en connaître la différence. AMEN.