2015-c-Lc 1, 46-56- mardi 4e semaine Avent - Magnificat ou la force de la faiblesse.
Année C: Mardi 4e semaine de l'Avent (litca04m.16)
Luc 1, 46-56 : Magnificat, la force de la faiblesse
Marie connaissait les psaumes par cœur. Quand elle chante son Magnificat (Lc 1, 46-55), elle reprend intégralement les versets du psaume 74. Les humbles, le mot a mauvaise presse aujourd'hui, ceux qui sont toujours derrière, les oubliés, les dédaignés, ceux que le pape François, s'arrêtant, salue en priorité dans ses déplacements, Dieu a pris leur visage en naissant parmi nous.
La plupart des religions place Dieu au plus haut des cieux. Mais ce Dieu là est inaccessible. Par sa naissance, Dieu renverse cette vision désespérante qu'il est inatteignable. La bonne nouvelle de Noël est celle d'un ciel sur la terre, celle d'un Dieu anéanti. Lui de condition divine ne retient pas jalousement le rang de Dieu (Ph 2, 6-11). Comme l'exprime bien Charles de Foucauld, dont nous célébrerons en 2016 le centième anniversaire de la mort, Dieu a pris la dernière place pour que personne ne lui enlève. Cette place il la choisira tout au long de sa vie. Elle se retrouve en filigrane dans tout l'Évangile.
Dieu aurait pu rester là-haut, sur son balcon, et se contenter de nous regarder de sa hauteur. Mais Il n'était pas heureux tout seul dans son ciel. Il est descendu nous rejoindre dans la rue. À quelques jours de Noël, ne nous laissons pas voler cette place qui nous fait chanter avec Marie l'humilité de Dieu. Ne nous faisons pas voler notre place, celle que nous vivons présentement comme croyant, comme Église. Nous sommes des réduits à rien.
Ce chant de Marie est une contestation de la manière de vivre de nos sociétés. Ce n'est pas par les armes, par des tueries qui font du bruit que nous établirons une terre de proximité entre nous. C'est par le chemin que chante Marie: Il renverse les puissants de leur trône, élève les humbles, comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides, et Il m'a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer la délivrance aux captifs, rendre la vue aux aveugles et la liberté aux opprimés.
Ce que chante Marie est une contestation d'un Dieu tout-puissant, écrasant, ce grand horloger du monde. D'une Église seigneuriale. Nos mots humains quand ils sont appliqués à Dieu, se révèlent piégés, faussés, inadéquats. On parle du Tout Puissant mais son Fils naît sur la paille et meurt sur une croix. Le Dieu de l'Évangile est un Dieu partenaire de notre Humanité qui désire partager avec nous sa divinité. Poser sur nous un regard de miséricorde.
Le Magnificat nous invite à purifier nos mémoires toujours empreintes d'images déformées de Dieu. Il est descendu pour relever les humbles. Par quel chemin a-t-il réussi cela ? En se livrant à notre merci. En refusant d'être mesquin, jaloux de ses prérogatives divines. À l'homme que tu as pétri de la terre, viens [par ta miséricorde] apporter le salut (Acclamation). C'est du jamais vu. Si nous sommes tentés d’imaginer un Dieu qui condamne, contemplons Jésus qui accueille, qui pardonne, et nous verrons combien Dieu est riche en miséricorde (Ep 2, 4).
Entrons dans les mots du Magnificat. Ne nous contentons pas de les chanter. Entrer dans ces mots, c'est avoir la simplicité de l'enfant, être petit comme un enfant, être petit à ses propres yeux et heureux de l'être aux yeux des autres. Facile ?
Notre véritable titre de gloire ici-bas, dit un grand priant du XIXe siècle, Jean Nicholas Grou, est dans notre anéantissement. Attention: dans les mots de ce grand priant, anéantissement n'est pas synonyme de destruction de soi mais chemin de simplicité, de modestie, de discrétion. Si nous vivons cela, Dieu alors viendra en nous y faire sa demeure. Plus merveilleux encore, et c'est ça évangéliser, on entendra clamer à notre endroit ces mots d'Élisabeth qui ont donné des sueurs froides à Marie : comment ai-je ce bonheur que Dieu vienne chez moi. AMEN.