2015-B- Jn 6, 60-69 -dimanche 21e semaine ordinaire -rester ou partir ?
Année B: Dimanche 21e semaine ordinaire (litbo21d.15)
Jean 6, 60-69 : rester ou partir ?
Si je lis cette finale de saint Jean sur le Pain de vie d'une façon distraite et routinière, je suis envahi par deux réactions différentes : ou bien Jésus est un illuminé qui tient des paroles insensées, un burlesque qui veut faire rire son auditoire ou bien il est vraiment Fils de Dieu.
Qui peut affirmer ayant toute sa tête que Jésus peut se donner à manger et, qui plus est, que cette nourriture ouvre sur l'assurance de ne pas mourir ? Qui peut croire cela sans se faire taxer ou accuser de démence mentale ? Devant des «atrocités» semblables se pose la question de la sénilité de Jésus. D'où la réaction presque normale des témoins : ce qu'il dit là est intolérable, on ne peut pas continuer à l'écouter. Jésus tient des propos qui choquent. Souvenez-vous, au terme de sa première prise de parole dans le temple (notre premier dimanche ensemble ici), Marc exprime la même chose : ils étaient profondément choqués à son sujet. Jésus n'était à leurs yeux que le Fils de Marie et de Joseph.
Jean a ouvert son passage sur le pain de vie par le geste étonnant de Jésus qui nourrit une foule avec presque rien : cinq pains et deux poissons. Au lieu de se plaindre de voir une foule qui n'a rien à manger dans ce désert, ce plaindre ne change rien à la réalité, Jésus a pris le peu qu'il avait. Il nous montre ainsi, pédagogie de l'exemple, que nous avons tous quelque chose, si peu soit-il, que nous pouvons partager. Son geste fut ravissement pour la foule. Mais quand Jésus explique que ce pain c'est lui, le ravissement se transforme en colère et mépris.
Tout commence par le prodige du peu de pain. Puis il y a ce désistement dramatique des disciples qui n'en peuvent plus d'entendre des paroles aussi folles. Exagérées. Comment peut-il descendre du ciel alors qu'on connaît son père et sa mère ? Tant que Jésus pose des gestes étonnants, tant qu'il nourrit la foule, on le cherche, le recherche. Dès que Jésus montre son vrai visage, celui de fils de Dieu, on le quitte.
Monte en moi le titre d'un livre d'un auteur anglophone qui connut un très grand succès: si je vous dis qui je suis, allez-vous m'aimer comme je suis ? M'accepterez-vous comme je suis ? Parce que Jésus dit clairement qui il est, on le rejette. Jésus a bien raison de dire vous ne me connaissez pas.
Devant ces vives réactions, Jésus se tourne vers ses apôtres, vers nous, et pose cette question qui a dû lui faire très mal : Voulez-vous, vous aussi, me quitter ? Jésus demande à ses disciples s'ils partagent le point de vue de la foule qui trouve ses paroles exagérées. Il leur demande si eux aussi, ils ont les yeux comme tout le monde. Des yeux qui s'arrêtent au visible.
Chacun est invité à prendre position devant cette question qui annonce la fin tragique de Jésus. Se prétendre pain de vie, Fils de Dieu, cela mérite la mort. Avons-nous, ici, au terme de nos rendez-vous estivals, le courage de dire avec Pierre: Seigneur, à qui irions-nous ? Avons-nous l'audace de projeter sur ce pain des yeux pas comme tout le monde ? Sommes-nous vraiment ici parce que Jésus est totalement le centre de notre vie et parce que nous savons qu'être chrétiens, être un chrétien non paresseux, c'est être pain de vie, une petite bonne nouvelle pour notre entourage ?
Peu importe nos réponses, personne ne peut venir à moi, ici à cette célébration, si cela ne lui est pas donné par le Père... par l'Esprit saint (1 Co 12, 7). Peu importe la vitalité et la profondeur de notre réponse, communier à ce pain c'est donner, dit le Curé d'Ars, comme un coup de soufflet à un feu [à de la braise] qui commence à s'éteindre.
Je termine nos rendez-vous par cette réponse que donnait une jeune fille de 16 ans à une catéchète qui lui posait la question pourquoi elle va à la messe: ici j'entends des choses que je n’entends pas nulle part ailleurs. Est-ce que nous pouvons affirmer la même chose ? La foi nous permet d'avoir des yeux qui ne voient pas comme les autres et des oreilles qui entendent des mots inconnus.
Pour cette saison qui s'achève, j'unis ma voix à la vôtre pour clamer mon âme exalte le Seigneur. Magnificat. AMEN.