2015-B-Mc 12, 13-17-mardi 9e semaine ordinaire- Rendez à César
Année B: Mardi 9e semaine ordinaire (litbo09m.15)
Marc 12, 13-17 : rendez à César l'histoire d'un piège
Heureux naufrage qui a mis un terme à la gérance de la cité au nom de la foi en Jésus! Heureux naufrage que celui de ne plus «faire la loi» à tout le monde ! Heureux dénouement que la fin d'une chrétienté qui ne laissait place à aucune opposition ! Les non-chrétiens ont aussi des droits. Heureuse réponse que celle de Jésus ! Le rendez à César autant que le rendez à Dieu est un programme d'une grande actualité.
Aucunement question dans cette réponse de Jésus de nous suggérer deux manières d'envisager le monde qu'Augustin a présenté sous l'angle de la cité de Dieu et de la cité terrestre. S'il n'y avait pas l'Évangile, il y aurait une emprise totalitaire de l'un sur l'autre. On voit cela dans la recherche d'un état islamique, mais ce n'est pas l'intention de Jésus en réponse à une question piégée.
Aujourd'hui la question n'est plus le choix entre Dieu et César, entre le cité de Dieu ou la cité terrestre, entre l'amour de soi jusqu'au mépris de la cité de Dieu et l'amour de Dieu jusqu'au mépris de la cité terrestre, mais plutôt de quel Dieu parlons-nous ? De quelle laïcité parlons-nous ? Parlons-nous d'un Dieu qui sert ou qui demande à être servi ? D'un Dieu libérateur ou un Dieu écrasant ? D'un Dieu qui dicte sa loi ou qui répand sans l'imposer son Esprit ? Parlons-nous d'une laïcité avec ou sans chartre ? Avec ou sans signes ostentatoires ? Stricte ou ouverte ? Le philosophe catholique Fabrice Hadjadj fait remarquer que la laïcité a aussi son «clergé», ses «chapelles», ses «excommunications».
Il y a dans cette réponse de Jésus, l'une des phrases les plus célèbres de l'Évangile (pape François), un refus de voir l'un exercer du pouvoir sur l'autre et vice versa. Un refus de prosélytisme, mais sans abdiquer l'expression de nos convictions. C'est ce qu'exprime le pape Benoît et souvent reprise par François : L’Église ne grandit pas par le prosélytisme, mais par le témoignage.
Impossible non plus de trouver dans cette réponse de Jésus une option privilégiée pour vivre dans une communauté alternative, une sorte de contre-société. L'Église n'est pas une secte (cf. Henri-Jérôme Gagey, Les ressources de la foi, Éd. Salvator, 2015, p. 70). Une réponse-invitation à manifester le Souffle qui anime tout chrétien, quelques soient les circonstances, et en toute liberté !
Pour le dire autrement, il n’y a pas Dieu d’un côté et César de l’autre, en coexistence pacifique. Il n'y a pas d'isolat chrétien dans le monde (Cardinal Vingt-Trois). Péguy ne disait-il pas que le spirituel couche dans le lit du temporel. Il ne s'agit pas de vivre dans un autre monde que celui de notre monde. Je ne prie pas de les retirer du monde (Jn 17, 15).
La première responsabilité de tout disciple, de tout chrétien, et cela se trouve dans la réponse de Jésus rendez à Dieu, est de rester avec Jésus, de l'écouter, d'apprendre de lui. Cela dure toute une vie. J’invite chaque chrétien [...] à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse (EG #3). Tout notre être, toute notre personne alors débordera de la joie de l'évangile qui est en elle-même annonciatrice de Jésus (cf. lettre pastorale de François). Toute joie est contagieuse de l'Évangile.
Le type d'impôt que chaque chrétien doit payer, la contribution que le monde attend de nous, n'est pas de revendiquer un retour à une chrétienté dont l'époque continue de faire mal à la beauté de l'Évangile. L'impôt à payer est plutôt d'être attentif à tous les bourgeons annonciateurs d'une terre neuve en nous privilégiant de voir ce qu'il y a de beau, de neuf, d'inédit dans le monde d'aujourd'hui. Ce sont-là les signes dont parlent la finale de l'Évangile de Jean, qui n'ont pas été écrits, mais qui laissent voir que la bonne nouvelle grandit lentement dans les cœurs.
Notre impôt à payer est de poser sur notre monde un regard de miséricorde, mieux, d'être une porte de miséricorde. AMEN.