2015-B-Jn 6, 30-35- mardi 3e semaine pascale- Pain pascal
Année B: Mardi 3e semaine de Pâques (litbp03m.15)
Jean 6, 30-35 : ce Pain nous fait-il courir vers le Ressuscité ?
Je suis la Résurrection et la vie (Jn 11, 25). Je suis le Pain de vie (Jn 6, 34). Ces sont des paroles qui expriment notre immortalité en Dieu. Nous sommes faits pour une vie éternelle. Ce sont des paroles-invitation à changer de perspective. À ne plus s'attacher à des bagatelles, à ces riens qui nous occupent sans pour autant nous combler, mais qui pourtant nous remplissent l'esprit du matin au soir.
Ces misérables petites bagatelles nous privent de goûter à une vie pleine par le dedans. Comme l'exprime saint Bonaventure, ces paroles ne visent pas à accroître la gloire de Dieu mais à nous manifester, à nous communiquer sa gloire qui est sienne depuis toujours.
Jésus est pour ceux qui font l'expérience de sa Présence pascale comme un morceau de vie éternelle. Un morceau de paix. Un morceau de pain. Pour devenir ce pain qui ressuscite, pour nous faire goûter cette vie, pour répandre un parfum de paix, Jésus a goûté la mort (cf. He 2,9). Il s'est enfoncé dans nos enfers pour donner vie à ceux dont la vie est à l'opposé d'une vie de relation. D'une vie, dirai-je, béatitude.
C'est notre contact personnel avec ce morceau de pain comme l'ont expérimenté les disciples d'Emmaüs (cf. Lc 24, 13-35), c'est notre souci de toucher Jésus comme Thomas (cf. Jn 20, 19-31), c'est notre regard transfiguré par sa Lumière de ce qui arrive à Jésus comme les apôtres (cf. Mt 28, 5-15) qui nous font des fils adoptifs (Ep 1,5-6). Des fils de la résurrection.
Avant cette chaleur éprouvée par ce pain partagé, les deux disciples ne voyaient dans les propos des femmes que pure «radotage» (Lc 24, 11). Que pure commérage, dirait le pape François. Avant de poser ses doigts dans les plaies du Jésus, Thomas n'expérimentait pas ce que c'était que d'être créature nouvelle. Avant d'être saisis par Jésus au Cénacle, les apôtres ignoraient ce qu'était de vivre comme des ressuscités d'entre les morts.
Je suis le pain de vie. Comment se peut-il que nous ne soyons pas touchés par ces mots d'une telle intensité qu'ils devraient chasser nos bagatelles ? Comment expliquons-nous qu'à écouter Jésus, soit par la lectio, soit pas notre participation à l'eucharistie, qu'à marcher avec lui, qu'en nous arrêtant au bord de la route comme le bon Samaritain (cf. Lc 10, 25-37), nos cœurs soient si peu réchauffés (cf. Lc 24, 32) ? Saint Augustin, se référant à ce pain de vie, exprime ces mêmes questions par une affirmation : vous m'avez aimé [Jésus] non comme vous-même, mais plus que vous-même [...] puisque pour me délivrer de la mort, vous avez voulu mourir pour moi. Devenir pour moi ce pain de vie qui me fait renaître.
Je suis le pain de vie. Ces mots, à eux seuls, devraient nous détacher des choses d'en bas et nous propulser à rechercher les réalités d'en haut, [à] tendre vers les réalités d'en haut et non celles d'en bas (cf. Col 3, 1).
Il nous faut entrer dans le mystère que ces mots engendrent. C'est quand ils sont entrés dans le mystère que les apôtres, les femmes courant au tombeau, ont cessé d'avoir peur, qu'ils sont devenus bondissant de joie. Il ne suffit pas dire je crois en ce pain vivant, je crois en Pâques, il faut en expérimenter la transformation en nous.
Pour que ce pain soit nourriture qui demeure en vie éternelle, pour que ce Ressuscité réchauffe nos cœurs en nous accompagnant sur nos routes, il faut que nos vies soient en manque de vie. Celui qui n'éprouve pas ce manque pascal, ce manque de pain de vie, n'est pas ressuscité. C'est quelqu'un de mort. Il faut beaucoup de temps, de son aide aussi, pour entrer dans ce Mystère. Tentons l'aventure d'être en relation intime avec Jésus.
Comme l'exprimera tantôt l'oraison finale, que le Seigneur nous accorde de parvenir à la résurrection bienheureuse, lui qui nous a destinés à connaître sa gloire. AMEN.