2015-B-Mc 7, 1-13- mardi 5e semaine ordinaire- et si les autres existaient
Année B : Mardi 5e semaine ordinaire (litbo05m.15)
Marc 7, 1-13 : et si les autres existaient
Vous annulez la parole de Dieu par la tradition que vous transmettez. Et vous faites beaucoup de choses du même genre. Jésus n'est pas contre la religion de son temps. On le voit régulièrement dans des synagogues. Il ne se présente pas comme un adversaire, un ennemi de la religion, mais ses vives réactions soulèvent tout un recentrement.
Jésus est vivement agacé par la suffisance de se penser meilleur que les autres. Il ne supporte pas des comportements hypocrites et fustige les fanatiques de la tradition, ceux qui placent sur les épaules des êtres humains des fardeaux insupportables, ceux qui n’ont que des certitudes et jamais de doutes.
Aucunement question pour Jésus de prôner l'irrespect de la loi, mais bien l'irrespect de la loi de Dieu. Le lévite qui passe outre à l'homme tombé le long de la route (cf. Lc 10, 25-37) ne fait que respecter la loi, mais ne l'accomplit pas. Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes plus importante que celle de Dieu.
En ne donnant pas la première place aux observances du Temple et aux préceptes de la Loi, Jésus déstabilise le monde religieux de son temps. En affirmant que les prostituées et les pécheurs seraient aux premières loges dans son royaume, qu'ils devanceront les plus zélés observateurs de la loi et que même les païens seront admis à sa table, Jésus, dit le Père Moingt, désacralise le rite et spiritualise la vie.
C'est faux de conclure, à la suite de l’évangile de ce matin, que Jésus est un mauvais juif. Qu'il cherche à remplacer des rites par d'autres. Une religion par une autre. Aux rigueurs d'une pratique toute extérieure de la loi, Jésus préfère les exigences d'une vie créature nouvelle (2 Co 5, 27) : réparer les torts envers les autres, pardonner à ses ennemis, aider son prochain, secourir ceux qui souffrent, se faire le serviteur des plus petits. Ces nouveaux comportements ne sont pas moins faciles que l'observance de la loi. Ils sont les signes de l'arrivée du Royaume de Dieu.
À quoi peut bien servir une pratique de la loi, si fidèle soit-elle, si elle nous éloigne ou contribue à l'effacement de la compassion et du pardon ? Si elle conduit à l'exclusion des autres ? On peut suivre, disait le pape François en janvier dernier dans une homélie, mille cours de catéchèses, mille cours de spiritualité, mille cours de yoga, zen et toutes ces choses mais cela ne pourra jamais ouvrir un cœur fermé. C'est du dedans du cœur que sortent les pensées mauvaises (Mc 7, 21).
Ce matin, entendons cette parole-appel terrible de Jésus: vous annulez la parole de Dieu quand, pour citer le prophète Isaïe, nous honorons des lèvres et que notre cœur est loin de Dieu. Nous annulons la parole de Dieu quand nous vivons plongés dans notre téléphone, notre Ipad, notre tablette plutôt que d'entrer en relation avec nos voisins, nos proches. Quand nous vivons renfermés comme des huitres et que nous nous fermons hermétiquement aux besoins des autres.
Dans son message du prochain carême, le pape François invite l'humanité à sortir de l'indifférence aux autres. C'est exactement le reproche de Jésus dans l'évangile aujourd'hui. La personne humaine n’est pas faite pour vivre seule mais elle est faite pour vivre avec d’autres. Pour s'engager envers les moins nantis. Il s'agit d'un recentrement vers les autres alors que la pratique de la loi pourfendue par Jésus, favorise l'auto-admiration de soi.
Et nous sommes ici, formant Église, pour mieux devenir des iles de miséricorde au milieu de la mer de l'indifférence, pour ceux qui sont proches comme pour ceux qui sont au loin. AMEN.