2013-C- Lc 10, 38-42 Mardi 27e semaine ordinaire : Marthe et Marie ou la grâce de s'arrêter
Année C : Mardi 27e semaine ordinaire (litco27m.13)
Lc 10, 38-42 : Marthe et Marie ou la grâce de s'arrêter
Ouf, que cela fait du bien de réaliser que dans la vie de Jésus, il lui est arrivé des moments où il ne se sentait pas piégé ! Une rencontre où Jésus a «décroché» de son quotidien fait d'opposition, de confrontation, de collusion pour le faire disparaître des écrans radars. Ça lui faisait du bien à vivre, reposante aussi. Quel bonheur pour Jésus, lui qui n'avait pas d'endroit où reposer la tête (Mt 8, 19-22), de s'arrêter, en route vers cette Jérusalem de la mort, dans une maison amie! Quelle joie de goûter la chaleur d'un foyer, de pouvoir parler en toute liberté, le cœur sur la main.
Une rencontre où Jésus est doublement nourri, dit saint Augustin : Marthe n’avait qu’un souci, comment nourrir le Seigneur. Marie n’avait qu’un souci, comment se laisser nourrir par Jésus. Toute la question est de savoir si nous savons goûter sa présence, une vraie nourriture (Jn 6, 52,59) ? Voulons-nous de ce cocktail rafraichissant qui dilate le cœur ?
Saint Jean nous mets en garde: cette présence peut avoir un goût amer, difficile à digérer. Pardonner jusqu’à 70 fois 7 fois ! (Mt 18,22). Si on te gifle, tends l’autre joue ! (Mt 5, 39). C'est du déjà entendu, un peu vieux jeu n'est-ce pas ? Pourtant cela ouvre sur une charte identitaire d'un comportement nouveau, toujours à réécrire, celle qu'exprimait un grand priant, Tauler : Si donc tu sors complètement de toi-même, Dieu entrera tout entier; autant tu sors, autant il entre, ni plus ni moins.
Jésus s'arrête. Invitation à faire de même. Cet évangile d’il y a 2000 ans est d’une brûlante actualité. Jésus parle de multiples choses. Et puis d'une chose, d'une seule qui est nécessaire. Essentielle. Nous arrêter. Nous arrêter non pour nous évader de nos tâches quotidiennes mais pour creuser par l'intérieur. Aucunement question de ne plus avoir les deux pieds sur terre, mais un arrêt pour avoir le ciel dans le cœur.
Voilà bien ce qui nous est difficile. Nous arrêter pour réaliser, pour contempler que nous avons le ciel dans le cœur. Nous arrêter pour savourer Jésus, sa présence en nous. Le Père et moi, disait Jésus, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui (Jn 14, 21-26). Paul dit clairement que par la foi, le Christ habite en nos cœurs (Ep 3,17). Ce qui a fait dire à un grand priant (Jean de Bernières, 1602-1659) : Est-il possible mon Dieu que vous soyez mon chez moi ? Ô que de joie à penser que mon chez moi est tel [que le tien] ? Marie de la Trinité entend Jésus lui dire : Tu es mon lieu et Je suis ta demeure (Entre dans ma gloire, carnet 1942-46, Arfuyen, p. 119). S'arrêter pour entrer dans ces mots qui ressuscitent, nous fait sortir de nos ténèbres.
Saintetés, il me semble que nous pourrions appeler cet évangile: la grâce de s'arrêter. Nous ne serons jamais capables d'entrer dans la pleine jouissance d'accueillir ce Jésus de Nazareth dans nos maisons intérieures à moins d'évacuer tout le superflu d'agitation, de consommation, de brouhaha intérieur, d'inquiétude qui nous habitent.
Élisabeth de la Trinité (Dernière retraite, Cerf, 1991) exprimait qu'on ne peut mener une vie de louange et gloire (Ep 1, 14) , qu'on ne peut chanter sans interruption le cantique magnifique dont parle Paul qu'en harmonisant sans cesse les cordes de son instrument un peu perdues de tous cotés. Quelle riche image unifiant une vie d'action et de contemplation. L'unification de notre vie est l'unique nécessaire à qui veut être des chrétiens de cœur, en vérité, et non pas des chrétiens d'étiquette (pape François). Il me semble que le Maître regardait à cela lorsqu'il parlait à Marie-Madeleine de l'unique nécessaire.
À votre contemplation: nous arrêter est la haute mystique de ceux et celles qui veulent goûter la présence réelle de Jésus dans notre quotidien. Lève-toi et va proclamer aux habitants de Ninive (de notre monde) de nous détourner de notre conduite affairée pour jouir de sa présence. AMEN.