1999-C-Mtt 9,36- 10,8- Dimanche 11e semaine ordinaire - l’appel des disciples
Dimanche 11e semaine ordinaire. (99) HOMÉLIE
Mtt 9,36- 10,8 l’appel des disciples
Si nous comprenions cette page de Matthieu ! Elle ne fait que dévoiler au grand jour toute la question - et quelle question - de la discrétion de Dieu. Certains diront de l’absence de Dieu. En choisissant ses apôtres, Dieu en Jésus accepte de nous laisser toute la place. Il accepte de se taire pour nous laisser libre, pour respecter notre liberté. Il s’agit d’autre chose que de se taire parce qu’il n’existe pas. Appel qui ouvre sur la discrétion de Dieu.
L’appel a pour conséquence inévitable que désormais Dieu se fait discrétion, s’efface pour respecter sa création, sa créature. Il n’est pas absent mais dit Luc il se soustrait à notre regard. Désormais, nous sommes responsables de Dieu (ZUNDEL) Nous sommes appelés à devenir sa transparence. Nous avons mandat de faire que l’univers devienne image de l’image de Dieu.
Dieu se tait pour nous laisser toute la place, pour nous laisser prendre la Parole. Le verbe s’est fait chair. Il faut ajouter pour que la chair (la notre) devienne Verbe. Son silence, il nous revient maintenant de le rompre. Le je que je suis est un Autre. Un homme, une femme rabougri ne donnera jamais que l’image d’un Dieu rabougri. Pour que Dieu atteigne toute sa stature, il faut que nous atteignions la nôtre. Nous sommes appelés à être bonne nouvelle de Dieu. Quelle mission !
Un dicton populaire dit : L’homme propose et Dieu dispose. Il me semble que la réalité de la foi est justement le contraire : Dieu propose et l’homme dispose. Dieu a un plan de reconstruction, de résurrection. Il nous le remet. C’est nous qui en disposons. C’est nous qui faisons qu’il se réalise.
Nous sommes ceux et celles qui mettront au monde Dieu en Jésus. François d’assise disait que nous sommes appelés à devenir des mères de Jésus-Christ, responsables de le mettre au monde.
Toute sa vie Jésus fut discrétion. Trente ans de charpente, trois ans de paroles (Péguy Mystère charité Jeanne d’Arc). Quand s’incarne la Parole de Dieu, elle commence par se taire durant 30 années ! Où est le roi des juifs qui vient de naître ? demandent les mages. Tellement discret qu’il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reconnu. Tellement discret qu’après sa Résurrection, leurs yeux furent incapables de le reconnaître. Tellement discret que Jésus préfère être pierre d’angle qui supporte les témoins de la Résurrection (AA1.22) Nous portons attention à l’édifice, rarement nous nous interrogeons sur les fondations. Si nous prenions conscience qu’en appelant à sa suite, Jésus se fait discret.
A l’heure ou tout se voit (voyeurisme), la discrétion n’est pas tellement une notion à la mode même chez les disciples d’aujourd’hui ! Mission d’être discrètement présent comme le blé enfoui dans la terre, la graine de sénevé. Les apôtres furent discrets sur eux-mêmes pour mieux faire connaître Jésus. Les apôtres ont été si témoins de Jésus que, dans leurs récits, nous ne voyons plus que Jésus.
Dieu se tait parce qu’il ne peut plus intervenir. Il nous a remis son pouvoir de faire des disciples. Nous sommes choisis pour être incarnation de Dieu, pour parler son langage, développer ses us et coutumes. Un langage se perd quand on ne le pratique plus. Nous sommes choisis pour sortir annoncer les merveilles de Dieu, mais précise Marie de l’incarnation, sans sortir du coeur de Dieu. Appeler à sortir sans sortir du coeur de Dieu. ! (action-contemplation)
Sortir parce que Jésus a vécu au bord du Lac, non du temple ; à Capharnaüm, ville infernale non à Jérusalem. L’Evangile a été écrit de faits et gestes de bout de chemin. Songeons à Emmaüs..un bout de chemin...pour expliquer ce qui s’est passé. Une conversation de bouts de chemin...qui s’est terminé, discrètement par la fraction du pain. Songeons à cet Éthiopien qui au hasard sur la route a marché avec Philippe qui lui a expliqué le sens du baptême. Le texte dit il continua sa route dans la joie (AA8 : 26-40).
Notre société ne sera plus jamais linéaire ou tout le monde pense pareil. Fini les chemins balisés, bien tracés. Des itinéraires à dents de scie attendent les disciples. Tout ce qu’on peut faire c’est être accompagnateur de bout de chemin en direction de l’Evangile, donner des indications qui éveillent à la foi. Catéchètes, directeurs d’école, administrateurs, parents : Des bouts de chemin nouveau mot pour éveiller à la foi.
Notre Dieu n’a plus les allures de tout-puissant. L’a-t-il déjà eu ? Notre Dieu a des allures, des us et coutumes de discrétion de bout de chemin. Il préfère être du coté de ces millions de déportés du Kosovo, en exode vers une terre d’accueil. Pour ce peuple là, on pourrait réécrire ce qu’une femme juive écrivait en juillet 42, juste avant son exécution à Auschwitz : C’est à nous, Dieu, de t’aider et de défendre jusqu’au bout ton choix d’être non-puissant, toi qui habite en nous.
Au terme de ce bout de chemin que nous avons fait ensemble ici au Centre, du pain pour le reconnaître, du pain pour se donner une foi pour foncer dans l’Avenir. AMEN.