2010 -C : Lundi 7e semaine Pâques -Jn1 6, 29-33 : des incapables capables de tout
Année C : Lundi 7e semaine de Pâques (litcp07l.10)
Jn1 6, 29-33 : des incapables capables de tout
Nous ne savons pas de quoi il parle (Jn 16, 18), disait Jean devant l’annonce de Jésus vous ne me verrez plus… vous me reverrez. Pour nous faire comprendre ce dont Jésus nous parle, quelle gloire il veut pour nous, je vous présente cette image tirée d’une parabole de Jésus.
Un jour dans le temps, Jésus a quitté son Père pour venir à la recherche de la brebis perdue. Maintenant, il retourne vers son Père, emportant sur ses épaules la brebis retrouvée pour l’habiller de gloire. Jésus qui n’a jamais quitté son Père en venant vers nous et qui ne nous quitte pas en retournant vers lui, retourne chez son Père en lui disant : Père, j’ai trouvé ta brebis perdue, celle qui, comme le fils cadet, s’en est allée à la recherche d’un autre bonheur que le tien.
S’il n’y a pas de plus grand don que de recevoir l’Esprit Saint (Augustin), devant ce geste de Jésus retournant chez son Père pour lui offrir la brebis retrouvée, saint Épiphane écrit que c’est la plus belle des fêtes, celle devant laquelle tout discours n’est que balbutiement. Il ajoute ces mots qui nous élèvent jusqu’au ravissement parce que c’est notre histoire personnelle à chacune d’entre nous : Je l’ai lavée dans le Jourdain, parfumée de l’onction de mon Esprit. Je l’ai saisie par la main de ma divinité. Maintenant, ressuscité, me voici [Père], j’offre à ta divinité ce don qui n’est pas indigne de toi : la brebis à l’image duVerbe!
Nous ne pouvons pas nous enfoncer davantage dans ce mystère de l’Ascension : Jésus remet à son Père ce don qui n’est pas indigne de toi. Nous sommes la brebis à l’image du Verbe qui se voit transporter de la terre au ciel. Aujourd’hui s’accomplit le mystère de notre propre ascension dans le bonheur. Et notre bonheur, c’est de prendre la relève de Dieu.
Un jour du temps, Dieu a crée le monde puis il s’est reposé, laissant à ce monde de poursuivre son évolution. Un jour du temps, Dieu est venu nous montrer un chemin de gloire. Il prend maintenant sa «pension», il se met en retrait sans pour autant nous quitter.
Son départ n’est pas une confirmation que nous sommes impeccables, parfaits en tout. Il nous donne simplement une assurance-vie : celle de son Esprit qui ne vient pas combler nos manques, nos insuffisances ou faiblesses, mais faire de nos faiblesses, de nos poids d’être, de nos trahisons des chemins, des outils, des tremplins de bonne nouvelle. Jésus nous assure de son Esprit pour vaincre nos résistances à aimer nos faiblesses qui sont des chemins d’évangélisation. Qui donc est Dieu pour agir ainsi?
L’Ascension, c’est Jésus qui continue, comme il l’a fait sur les routes de la Galilée, d’embaucher des incapables, des brebis perdues, pour en faire des capables, des évangélisateurs de la bonne nouvelle. Désormais, tous ceux et celles qui aux yeux du monde, sèment les scandales, paraissent indignes de leur tâche, Jésus en fait ses témoins. Ce n’est pas malgré nos faiblesses, mais bien à travers elles, grâce à elles, que nous devenons dignes d’être des envoyés de bonnes nouvelles. Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort (2 Co 12, 10). Nous vivons ce mystère comme Église présentement. Pas facile! Plutôt déroutant!
Le paradoxe de l’Ascension c’est celui de nos faiblesses, de nos imperfections qui nous font des élus de Dieu pour poursuivre l’incarnation de la bonne nouvelle chez nous. Comme l’exprimait saint Jean Cassien au Ve siècle à ses moines impatients de leurs fragilités, Dieu n’a pas besoin de notre force, mais de notre faiblesse et de notre patience. Quand nous nous sentons trop petits, vulnérables, alors nous faisons l’expérience de notre Ascension.
Jésus nous remet son Esprit qui nous enseignera tout. Il nous remet le grand Artisan qui transforme […] un joueur de cithare en roi psalmiste; un pêcheur en prédicateur d’Évangile; un persécuteur de l’Église en docteur des nations (St Grégoire le Grand, IVe siècle).
Saintetés, le monde qui nous entoure recherche des gens compétents, efficaces, des personnalités fortes et audacieuses, des analystes, des stratèges, de grands esprits. Jésus choisit plutôt des disciples qui ne cherchent pas à impressionner ou à embrigader, mais tout simplement que se savent aimés par lui. Cette certitude m’oblige, dit le frère Christophe de Tibhirine, au don afin que le monde sache qu’il est aimé d’amour.
Que tous les pays du monde acclament cette bonne nouvelle et puissions-nous comme Paul (première lecture) parler avec assurance du Royaume de Dieu. AMEN.