2009-B- Jn 15, 9-17- Fête des jubilaires SNJM- ce que Dieu prèfère en moi
SAMEDI 5E SEMAINE ORDINAIRE (B)
HOMÉLIE JUBILAIRES 2009 CE PETIT QUELQUE CHOSE QUE DIEU PRÈFÈRE EN MOI
Jn 15, 9-17 Ben Sirac 2, 1-11
Nous célébrons dans la joie soixante et soixante et dix ans de vie religieuse. Les lectures que nous venons d’entendre, choisies pour cette célébration, décrivent bien la portée de ces jubilés. L’Évangile insiste pour nous dire que la vocation première de toute vie qu’elle soit religieuse, sacerdotale, chrétienne est de devenir les amies de Jésus. Je vous appelle mes amis parce que je vous ai fait connaître le Père.
Toute vocation est un appel à développer cette secrète, mystérieuse amitié, intimité avec Jésus. Nous sommes choisies pour être des amies de Dieu, pour devenir tellement « amie de Dieu » que nous n’existons que pour Lui. Que nous n’existons que pour être des sacrements de sa Présence dans le monde. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi.
Insistons pour le dire : nous ne sommes pas amies de Dieu, nous ne sommes pas aimées de Dieu par nos efforts personnels, par choix que nous faisons. Cela ne dépend d’aucunement de nous. Nous ne serons jamais assez dignes de cela. Dieu nous a choisies malgré nous, malgré tout, et c’est pour cela que nous rendons grâce aujourd’hui.
Alors qu’autour de nous, nous dépensons beaucoup d’énergie pour nous donner une réussite matérielle, du prestige social, nous laisser choisir comme amie de Dieu ne demande aucune énergie de notre part. Pourquoi Dieu nous a-t-il choisies ?
Parce qu’il y a en moi quelque chose que Dieu a préféré (William Faber). Voilà, jubilaires, le point de départ stupéfiant de votre aventure de « sainteté » de Jésus-Marie. Ce « quelque chose » n’a pas de nom. Ce « quelque chose » personne d’autre que vous ne peut le revendiquer. Ce « quelque chose » vous fait unique aux yeux de Dieu. Ce « quelque chose » ne sont pas vos œuvres, si belles soient-elles, ne repose pas sur vos antécédents familiaux. C’est pour « ce quelque chose » innommable que vous vivez, jubilaires, chacune dans l’intimité de vos personnes, qu’aujourd’hui vos consœurs s’unissent à vous pour rendre grâce à Dieu.
Jubilaires, vous le savez, si ce choix de Dieu ne dépend pas de nous, la réponse que nous donnons exige dit le cistercien Saint Aelred au X11e siècle dans son chef d’œuvre le miroir de la charité une généreuse désappropriation de soi-même. Devenir amie de Dieu ne s’acquiert qu’après une longue et laborieuse marche de dépossession que vous avez vécu dans les vœux de pauvreté, d’obéissance, de chasteté pour affirmer que ce n’est plus moi qui vit mais le Christ en moi.
L’amitié profonde avec Dieu n’est possible que dans cet admirable échange de dépossession mutuelle. En se faisant notre ami, Dieu n’existe plus pour lui-même mais qu’en nous tant il devient nous et nous n’existons qu’en Lui tant nous sommes Lui. Et Aelred conclut son miroir de la charité en disant que l’Ami Dieu devient notre unique modèle quand il s’agit de vivre cette amitié entre nous. Et cette amitié là, nous la reconnaissons habituellement dans celle qui en ferait le plus pour l’autre et qui fait voir un fruit juteux d’amour vrai.
Nous célébrons ce matin ce regard je dirais « personnalisé » de Dieu sur chacune d’entre vous, regard qui vous est destiné, qui vous est propre, regard qui ne ressemble à aucun autre regard. Dieu vous dit ce matin que depuis fort longtemps, depuis toujours, il a eu une « préférence » pour vous. Il est tombé en amour, en admiration avec vos personnes. Il s’est laissé séduire par votre réponse que nous décrivait tantôt la première lecture : vous vous êtes attachés au Seigneur, ne l’avez pas abandonné. Vous avez accepté les adversités, mises votre confiance, votre espérance en lui. Vous avez persévérée à demeurer l’ami de Dieu.
Il vous dit aujourd’hui, jubilaires, tu as du prix à mes yeux et je t’aime. Votre vie, et surtout la joie qui vous habite, est pour nous le plus beau témoignage de cette incompréhensible amitié que Dieu vous porte parce que vous avez tout laissé, absolument tout pour Lui. 60 ans, 70 ans à n’être que pour Lui, ne vivre que par Lui et en Lui, voilà le mystère de votre jubilé, de votre vie. Et toutes ces années avec son usure et ses misères, vous font comprendre plus profondément que c’est Lui qui vous a choisies pour ce quelque chose qu’il a préféré en vous.
Pour vous et avec vous, nous reprenons ce chant de Marie : Mon âme exalte le Seigneur. Il s’est penché sur vos humbles personnes… il en a fait des petites merveilles. AMEN