2010-C-Jn 14, 6-14- lundi 5e semaine Pâques - : celui qui m’a vu a vu le Père; je suis le chemin
Année C : Lundi 5e semaine de Pâques (litcp05l.10)
Jn 14, 6-14 : celui qui m’as vu a vu le Père; je suis le chemin
À l’heure où chacun a sa petite idée sur Dieu, il n’est pas facile d’annoncer à notre monde que Jésus est le Chemin, la Vérité et à la Vie qui mène au Père. À écouter la demande de Philippe, ce ne l’était pas plus hier.
Ce qui est en cause, c’est beaucoup plus qu’une affirmation théologique. Aujourd’hui comme hier, nous trouvons invraisemblable la parole même de Jésus qui déclare qu’il ne fait qu’un avec le Père - le Père et moi nous sommes un (Jn 10, 30).Plus précisément que le Père et lui sont un - Je suis dans le Père et le Père est en moi (Jn 10, 38;14, 10). Ce qui est en cause, c’est le refus de voir l’œuvre du Père en Jésus; de reconnaître que Jésus est tellement le jumeau authentique du Père qu’il y a risque réel de le confondre avec ce dernier. Qui me voit, voit le Père.
Avant de retourner vers le Père, Jésus non seulement se présente à nous comme le Verbe du Père, au commencement était le Verbe et le Verbe était Dieu (Jn 1, 1), mais, et c’est la révélation inouïe de l’Évangile, il nous indique que cette vie filiale entre lui et son Père nous est accessible. Qu’eux aussi soient un en nous afin que le monde croie que tu m’as envoyé (Jn 17, 21).Il affirme même qu’il est impossible de nous unir à lui sans être en même temps uni au Père. Au chercheur Philippe, Jésus se définit comme l’envoyé, le chemin vers le Père et le recevoir, c’est accepter à notre tour de devenir des envoyés, des chemins qui montrent le Père.
Pour bien entendre ces paroles, il nous faut faire silence au-dedans de nous; ce n’est pas facile; c’est indispensable. C’est seulement dans le silence d’un cœur à cœur avec Dieu que nous goûtons que cette demeurance du Fils dans le Père et du Père dans le Fils est la nôtre. C’est seulement dans le silence qui nait et ouvre sur l’émerveillement que nous sommes saisis d’étonnement de réaliser que cette demeurance s’accomplit en nous quand nos pensées, nos actions, nos vies s’unifient avec ses pensées, ses actions et sa vie. C’est seulement dans le silence de recueillement en lui que nous entendons sa voix nous dire que, nous aussi, nous accomplissons les mêmes œuvres que moi et même de plus grandes (Jn 14, 12). C’est seulement dans le silence d’adoration que nous n’en revenons tout simplement pas d’entendre Pierre dire avec assurance à ce paralysé : Énée, Jésus-Christ te guérit. Lève-toi et fais toi-même ton lit (Ac 9, 34)ou de commander au corps inanimé de Tabitha : lève-toi (Ac 9, 40).
Quand nous entrons dans ce silence, monte spontanément en nous ces mots : merci, Seigneur pour ton amitié qui nous élève jusqu’à demeurer dans le Père. Merci de faire de nous, comme hier tu as fais de Philippe et Jacques, des pierres vivantes pour l’édification d’un édifice spirituel (1 Pi 2, 5).Mercide faire de nous des chemins qui montrent le Père. Dans une de ses visions, Catherine de Sienne, docteur de l’Église, rapporte : j’ai goûté, j’ai vu avec la lumière de mon intelligence et dans ta lumière [..] la beauté de ta créature. J’ai vu qu’en me revêtant de toi, je deviendrai ton image (Gn 1, 27), ta nouvelle créature [...] car tu as été saisi d’amour pour la beauté de ta créature (Les dialogues, #167). Ce n’est pas un programme à promouvoir. C’est un chemin d’évangélisation à faire nôtre.
Si aujourd’hui, comme nous l’avons vu dans la nuit de Pâques, des hommes et des femmes entrent par le baptême dans cette demeurance, n’y voyons pas là le résultat d’un excellent travail de recrutement, mais bien une manifestation de l’Esprit de Dieu qui se promeut quand nous vivons nos vies dans cette demeurance du Père et du Fils. C’est en vivant dans cette demeurance dans le Père que nous en appelons d’autres à vivre d’un nom nouveau (Ap 2, 17), emprunté au Christ, le nom de chrétien.
C’est quand nous faisons, comme Philippe, l’expérience de notre ignorance, de nos bouleversements que Jésus nous révèle son projet d’intimité avec lui et le Père, qu’il se présente à nous comme le chemin. C’est l’annonce de la mort du christianisme (Le Devoir du jeudi saint) qui nous ressuscite jusqu’à offrir à notre monde, une nouvelle manière de vivre ensemble, celle que nous offre maintenant l’eucharistie. À quoi nous servirait de célébrer ce pain s’il n’était pas un pain qui nous engage à devenir chemin qui ressuscite notre monde? AMEN.