2012- B : Mardi 5e semaine Pâques -Jn 14 27-31 : la «réveillance» pour sortir de nos peurs .
Année B : Mardi 5e semaine de Pâques (Litbp05m.12)
Jn 14 27-31 : la «réveillance» pour sortir de nos peurs .
L'émerveillement peut mourir. Sa mort commence quand, devant cette page trop souvent citée, tellement connue qu'elle est méconnue, nous avons peine à l’intérioriser, selon les très beaux mots de Pascal, dans l'infiniment infini de sa profondeur. Cette page devrait nous faire déborder d'émerveillement et de joie. Ne soyez pas bouleversés, ne soyez inquiets de rien, si vous m'aimiez, vous seriez dans la joie. Il est presque inimaginable d'entendre cela parce que c'est au moment où Jésus allait entrer dans sa passion qu'il prononça ces mots. C'est à l'heure où il va être soumis à un niveau inatteignable de souffrance qu'il invite ses disciples à une manière de vivre leur quotidien.
Mais pour demeurer aujourd'hui en état d'émerveillement et de joie, il ne faut pas nous contenter de savoir qu'il y a une histoire, sainte celle-là, de collusion entre Jésus et nous. Ce mot tant décrié sur le plan politique, ce mot qui trahit des comportements peu orthodoxes, des alliances néfastes à l'avantage des uns et au détriment des autres, résume en régime chrétien, toute l'aventure pascale de Jésus. Cette page nous fait saisir à quel niveau de ressemblance, Jésus nous appelle. Il s'est fait l'un de nous pour que nous lui ressemblions dans nos manières de vivre.
À l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il nous décrit jusqu'à quel niveau de ressemblance, de collusion il s'est courbé vers nous (François d'assise); il a pris toutes nos misères, est descendu dans nos enfers, dit notre Credo, pour nous appeler à vivre notre quotidien comme lui, en état de joie et d'émerveillement permanent. En état de gloire. D'exaltation. De réveil. Jésus a été le «fondateur» - c'est çà Pâques - d'une nouvelle manière de vivre. Toute sa vie, malgré les affrontements, les trahisons, les accusations fausses, les rejets et les mépris, il a gardé le fil de la merveille. Le fil de la joie.
Pour demeurer en état d'émerveillement et de joie, il faut que Pâques nous maintienne, dans les mots d'un théologien belge, en état de «réveillance». Il y a des peurs en nous. Il y a de l'endormissement qui nous tient coupés de la Vie et des autres. Il y a de l'acédie, cette maladie de l'âme, cette dépression intérieure qui fait que tout est noir, que nous voyons noir. La «réveillance» nous invite à nous mettre debout, à quitter nos peurs, nos cauchemars existentiels, nos tombeaux, les blessures, nos enfermements dans nos misérables misères parce que quelque chose de neuf, comme je l'exprimais hier, est arrivé à nos vies. Il faut entendre une voix nous dire - et cette voix est très actuelle, voire urgente à entendre - : cessez d'avoir peur, ne soyez pas bouleversés.
C'est parce que Pâques n'est pas un retour à la vie passée de Jésus que les «voyants» du ressuscité ne l'ont pas reconnu. Pâques ne sera jamais, comme on le voit dans les revues, quelque chose comme une culture vintage, une mode vintage qui consiste à donner une seconde vie à du vieux, à remettre au goût du jour des choses du passées. Pâques, c'est l'arrivée de quelque chose de neuf qui ouvre à l'émerveillement et à la joie.
Jésus s'est identifié à notre vécu quotidien pour que nous vivions notre quotidien pas toujours facile, à sa manière à lui. À travers cette page de Jean, il faut saisir ce que Jésus pose comme préalable à une vie comme la sienne : savoir vivre nos épreuves, les condamnations rapides des mass media sur l'Église, en ne perdant pas le fil de la merveille.
Mais comment est-ce possible ? Comment recevoir et vivre de cette paix si désirée et désirable ? En nous donnant, par des exercices de réchauffement comme les athlètes, par des pratiques quotidiennes de prière «priante» une vie intérieure de grande qualité. Maître Eckhart disait que le meilleur et le plus magnifique à quoi on puisse arriver dans cette vie est de se taire, de taire nos cinémas intérieurs, pour laisser Dieu agir et parler.
Saints hommes, une seconde journée sainte pour laisser Dieu, qui est plus intérieur à nous-mêmes que nous mêmes (Augustin), nous ravir plutôt que de nous laisser dévaster par nos cinémas intérieurs et nos mémoires blessées. AMEN.