2012-B- Jn 6, 24-35 Dimanche 18e semaine ordinaire - l'abondance de pain.
Année B: Dimanche 18e semaine ordinaire (litbo18d.12)
Jn 6, 24-35 : l'abondance de pain.
Qu'est-ce qui vous allume ? Qu'est-ce qui vous dynamise, redynamise, vous donne des ailes en écoutant ce récit de Jean ? Une réponse parmi bien d'autres : Jésus voit clair. Très clair. Il comprend vite. Très vite. Cette foule qui le cherchait parce qu'elle venait d'être frappée d'étonnement d'avoir été si abondamment nourrie dans le désert, Jésus l’invite à aller plus loin que de chercher seulement une nourriture pour le corps. Vous me cherchez parce que vous avez mangé du pain, parce que vous vous êtes rassasiés. Jésus oriente le regard de la foule sur une faim plus profonde, une nourriture qui se garde, dit notre texte, jusque dans la vie éternelle. C'est ce que nous pouvons appeler du déraisonnable.
À la foule qui ne voyait qu'un homme extraordinaire qui ne parlait pas comme les autres, à la foule qui le cherchait, le recherchait parce qu'il dégageait une bonté inimitable, Jésus fait comprendre qu'il y a une faim plus fondamentale que la faim de pain pour les peuples affamés, que la faim de paix pour les pays en guerre, que la faim de vivre sans maladie pour les malades, que la faim de détente, c'est la faim de Dieu. Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim. Jésus oriente le regard de la foule sur sa véritable identité : moi, je suis le pain de la vie. Le Seigneur ne s’est pas laissé connaître [seulement] en parlant, il s’est découvert en mangeant (Grégoire le Grand, VIe siècle). Si cela ne nous allume pas, ne nous enflamme pas, c'est que nous ne sommes pas entrés dans la Parole. Nous sommes seulement demeurés sur le seuil du mystère du déraisonnable.
Ce qui devrait nous allumer, c'est que Jésus ne voit pas [la foule] parce qu'il a des yeux, mais il a des yeux parce qu'il est capable de voir (Martin Heidegger) que la foule est aussi en attente d'autre chose que du pain matériel. Ce qui devrait nous allumer, c'est que Jésus est capable de regarder jusqu'à entendre nos besoins les plus profonds que souvent nous ne pouvons même pas clairement percevoir nous-mêmes. Jésus nous montre sa capacité d'entendre notre unique nécessaire, dit un texte vénérable de l'évangile. Et notre unique nécessaire est d'espérer toujours vivre.
Comme chemin pour nous maintenir allumés, Jésus invite la foule, nous invite à travailler non pas pour des nourritures qui se perdent, pour des faims éphémères qui ne rassasient pas, mais à investir, nous investir dans l'écoute, dans la rumination de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (Mt 4, 4).Comprenons-le bien : Ce pain descendu du ciel (Jésus) ne supprime pas ni nos souffrances humaines, ni nos faims. Il ne résout pas nos problèmes à notre place, ne nous éloigne pas des réalités terrestres, ne nous autorise pas à tout miser dans ce qui ne dure qu’un moment. Ce pain, ces miettes de pain, comme je l'exprimais dimanche dernier, ne font qu'attiser en nous le désir d'une vraie rencontre avec Jésus. D'une vraie vie de communion avec Jésus.
Mais il faut aller plus loin. En se faisant pain qui donne la vie, Jésus non seulement nous énergise, nous allume mais il révèle sa propre faim de se nourrir de nous pour que lui aussi aie la vie. Étonnant ! Quand nous mangeons Dieu, c’est nous qui sommes mangés par lui (S. Bernard, sermon 71).Non seulement manger Jésus, mais se laisser manger par Lui jusqu'à devenir Lui. Il avait aussi faim de nous (Élisabeth de la Trinité). Le cri de Jésus sur la Croix, j’ai soif, peut aussi bien s’entendre par j’ai faim. Mystère du déraisonnable : plus nous mangeons notre Dieu, l'expression est du mystique Tauler (sermon XXX), plus nous le rassasions aussi.
Pourquoi communier ? Je donne la réponse que donnait Charles de Condren, un maître spirituel au lendemain du Concile de Trente : Nous devons aller à la sainte communion, d’abord pour que Jésus soit en nous tout ce qu’il doit être et que nous cessions nous-mêmes d’être ce que nous sommes… Mais nous devons aller à la communion par obéissance au désir qu’a Jésus-Christ de nous recevoir en lui dans son être et dans sa vie…
Soyons logique. Si nous disons que manger le Christ, c’est devenir ce que nous mangeons. En le recevant nous lui permettons de nous «croquer». Nous sommes « suavité », « délice » pour Dieu. Nous sommes la nourriture favorite de Dieu. Mystère de transformation que nous célébrons maintenant dans cette eucharistie. AMEN.