2009-B : Dimanche 17e semaine ordinaire -Jn 6, 1-15 geste salutaire ?
Année B : 17e dimanche ordinaire (litbo17d.09)
Jn 6, 1-15 un geste salutaire ?
Ce n’est pas un geste sensationnel, un geste d’éclat que Jésus vient de poser. A preuve, Jésus sachant qu’on voulait faire de lui leur roi ... se retira tout seul dans la montagne. Si ce n’est pas un geste d’éclat, alors qu’est-ce c’est ? C’est une démonstration merveilleuse de la puissance illimitée de Jésus, un geste salutaire, un geste qui donne de l’énergie, qui remet en marche, qui revitalise une foule qui a faim. C’est un geste-révélation qui nous montre Jésus sous son vrai jour, mais nous aussi comme la foule risquons d’avoir des yeux mais nous ne voyions rien (Jr5, 21; Ex 12,2).
Que nous est-il demandé de voir dans ce geste du pain multiplié ? J’emprunte ma réponse au curé d’Ars dont nous célébrons cette année le 150e anniversaire de sa mort. Il voyait dans ce geste préfigurant l’eucharistie que nous avons beaucoup d’importance pour Jésus puisqu’il prend le temps, l’initiative de nourrir. Ô homme, déclarait le curé d’Ars, que tu es grand! Tu es nourri et abreuvé du corps et du sang d’un Dieu. Il ajoutait que tu es heureux mais que tu comprends peu ton bonheur. Sommes-nous assez aveuglés par ce geste tellement hors du commun pour ne voir qu’un miracle de générosité, de compassion? Avons-nous l’esprit assez bouché – l’expression est de saint Marc 8,18- pour ne pas voir que nous sommes précieux pour Jésus ? Dieu se donne à manger pour ne plus faire qu’un avec nous. C’est vrai, nous n’en sommes pas dignes se demande à nouveau le curé d’Ars mais nous en avons de besoin.
Que nous est-il demandé d’entendre dans ce geste du pain multiplié ? J’emprunte ma réponse au diacre saint Éphrem : Jésus multiplia le pain pour exciter le désir de son corps et de son sang vivifiants. En un clin d’œil, l’œuvre (le message de Jésus) devenait manifeste. Il nous est demandé d’entendre – et pour cela il faut entrer dans la parole de Dieu – que ce clin d’œil de la multiplication des pains, la plus belle œuvre de cet homme divin qu’est Jésus, ne s’épuisera jamais. On mangera, il en restera toujours (1re lecture). Ils remplirent douze paniers.
Alors que nous observons autour de nous l’abondance, la multiplication de mauvaises nouvelles, cela rallume notre espérance que d’entendre que des hommes et des femmes, des chrétiens refont aujourd’hui ce même clin d’œil du partage avec le peu qu’ils ont. Il ne fait pas beaucoup de bruits. Il fait du bien. Entendre le bruit du blé qui pousse tout seul. Humer le parfum des nouvelles pousses de blé qui lèvent. Goûter les fruits de la moisson de la Parole dans les cœurs. Dans les très beaux mots du pasteur luthérien Bonhoeffer, pendu dans un camp de concentration en avril 1945, aussi longtemps que nous mangeons notre pain en communauté, il nous suffira, même s'il y en a très peu. La faim ne commence qu'avec celui qui prétend avoir sa nourriture pour lui seul. C'est une loi divine étonnante. Ne serait-ce pas une des significations de la multiplication des pains ?
Ce matin, en inaugurant ces cinq dimanches où l’Église nous fera entendre ce chapitre 6 de saint Jean, je fais miens ces mots uniques d’un Père du désert Abba Yohan: ce n’est pas ce que nous mangeons qui nourrit mais ce que nous digérons. Ce n’est pas la foi que nous professons qui nous sanctifie mais celle que nous mettons en pratique. À quoi nous servirait de manger ce pain, si nous ne prenons pas le temps de le ruminer, de le digérer ? À quoi nous servirait de croire en Dieu si nous ne mettons pas en pratique son Évangile ?
Mais pour que cette merveille du pain partagé garde tout son sens, il faut y croire. Le père Buttet, dans son témoignage au Congrès eucharistique de Juin 2008 à Québec, donnait l’exemple suivant : une petite fille de quatre ans à qui l’on demandait si elle voulait aller à la messe avec ses parents qui fréquentait régulièrement l’eucharistie ou avec sa tante « Toto » répondit sans hésiter : « avec Toto ». Mais pourquoi demande la mère ? Avec toute la spontanéité d’un enfant, elle répondit parce qu’elle, elle croît. Et nous ? Y croyons-nous jusqu’à nous savoir ce matin inviter à nous asseoir à une table aux mets divins ?