2004-C- Vendredi 2e semaine Carême -Mtt 21,33-43,45-46 l'art de se prendre pour un autre.
Année C- Vendredi de la 2ième semaine du Carême (litcc02v.04)
Mtt 21,33-43,45-46 les vignerons homicides ou l'art de se prendre pour un autre.
Notre premier regard devant cette parabole s'arrête aux gestes des vignerons qui systématiquement liquidèrent les "serviteurs" envoyés par le Maître. Regard horrifié par des comportements inacceptables, injustes, inhumains aussi. Il y a un autre regard, plus subtile, explicatif de tels comportements et que Matthieu laisse voir quand il précise par la bouche même des vignerons (ils ne sont pas si dépourvus de lucidité que ça) que c'est parce qu' " ils ne portaient pas de fruits, (que) la vigne leur sera enlevée pour la remettre à d'autres" .
Faute d'avoir "méditer sur l'être, d'y tenir, de sorte que rien d'autre n'arrive sinon l'être" comme je l'exprimais en ouvrant ce carême, se produit alors l'inévitable. Quand nous refusons de vivre en humain, comme des justes (Mtt 6,1-6) en axant notre vie sur l'avoir, sur le profit, le désir de tout contrôler, sur la réputation de posséder la plus belle des vignes, quand notre vie devient stérile, ne porte pas de fruits (Ev), parce qu'uniquement axée sur l'embellissement extérieur, le besoin de paraître, quand nous sommes habités comme les fils de Jacob (1ière lecture) par un désir de jalousie, de rivalité, nous manifestons des comportements non-humains. Si nous n'entretenons pas de "bonne relation" avec notre identité, notre vie deviendra stérile. Tuer, lapider, frapper révèle un grand vite intérieur, une grande détresse. Présentement nous ne voyons que la détresse et non l'appel à remplir un grand vide intérieur ! Cette fausse vie que nous menons plus ou moins ouvertement, vie sans éveil (Brahmane) à notre être profond, nous livre à la bassesse humaine. Nous devenons des morts-vivants. Des vivants sans vie.
Contemplatives ce qui est pire que de tuer Dieu, c'est de ne porter aucuns fruits. D'être stérile nous dira l'Évangile dimanche prochain. Mais il faut aussi entendre que cet échec de nous donner une vie en état d'éveil, une vie non tentée de vous-mêmes (Gal 6,1) ne fera jamais échec au projet de Dieu. Admirable patience d'un Dieu impatient de nous vouloir entrer dans sa mentalité nouvelle. D'un Dieu de "tendresse et de bonté, lent à la colère et plein d'amour" (Ez34, 6, ps104-105).
Devant notre manière non humaine de vivre, devant une vie sans fruits, ce qui est admirable c'est que "Dieu tient conseil et décida d'envoyer son Fils dans une situation tellement de bassesse que cela sera l'opposé de l'homme qui voulait en Adam devenir tout-puissant" (St Thierry dans Guillaume de Saint Thierry pain de citeaux 1 série 3 pp101-102) Le livre d'Osée disait: "je ferai du val d'Akor ( du val de malheur), une porte d'espérance"(Os. 2 : 17). Le geste le plus bassement humain est devenu geste fondateur d'une mentalité nouvelle. "La pierre rejetée est devenue pierre angulaire". (Ev) Voilà l'œuvre du Seigneur. Elle est admirable. Adhérer à l'échec pour réussir. Pas mal du tout ! .
A votre contemplation : La vie chrétienne, humaine, comporte des crises que semblent nous signifier les différents envoyés du Maître, des crises-étapes, des crises-délais à respecter qui nous conduisent d'une vie en forme d'esclave à une vie en forme de Dieu. "Celui dit Bouddha qui ne possède rien ne s'afflige nullement de perdre. Celui qui n'adhère à aucune opinion, celui-là mérite qu'on l'appelle "homme apaisé". Devenir cette personne dégagée, apaisée de tout ce poids de non-humain en nous, en suivant Jésus, voilà ce que je cherche, voilà ce que je veux. Pour vous, une eucharistie pour posséder le Fils, pour nous souvenir des merveilles de Dieu, de sa patience à nous laisser du temps pour faire mûrir en nous des fruits qui sont autant de chemin d'évangélisation du monde. "Dieu qui donne la preuve suprême de ta patience lorsque tu patientes et prends pitié, accorde-nous ta grâce et nous parviendrons au bonheur du ciel (Oraison 26 t.o.) AMEN
ACCUEIL : Y a-t-il plus désagréable que quelqu'un qui se prend pour un autre? Qui prend toute la place ? Oui en nous il y a deux vies: la fausse que nous menons et la vraie que nous menons.