2006-B- Vendredi 2e semaine carême - Mtt 21, 33-43 : Envoyé….. pour mourir ?
ANNÉE B: VENDREDI DE LA 2IÈME SEMAINE DU CARÊME
Matthieu 21, 33-43 : Envoyé….. pour mourir ?
«Livré pour nous.» Voilà ce qui monte en moi à la lecture de cette parabole. «Dieu a livré son Fils, son propre Fils » affirmait Paul (Rm 8, 31-34)qui ajoute deux petits mots qui changent tout : « pour nous ». Tout est dit. Déjà en ouvrant son livre, Isaïe qui clamait : « J’ai élevé et fait grandir des fils. Ils se sont révoltés contre moi (Is 1, 3) » s’empressait d’ajouter « mon serviteur réussira ».
Que ce soit Joseph, « ce petit dernier » fils bien-aimé de Jacob, vendu pour « vingt pièces d’argent »; que ce soit Jésus, « l’héritier » envoyé par le Maître de la vigne, livré « pour trente deniers », tout ce matin, chante non un échec appréhendé, mais une victoire certaine. Cette page est une copie conforme de celle des prophètes et des psaumes. « La pierre rejetée est devenue pierre d’angle.» Elle décrit cette violence qui affecte notre comportement humain. Nous sommes prêt à tout pour nous ériger en maître. Il s’agit de détenir une responsabilité quelle qu’elle soit, pour en reconnaître son actualité. L’exclusion comme l’élimination deviennent facilement la solution.
Jésus a savouré cette image de la vigne, inspiré par les prophètes et qu’il reprend maintenant pour nous faire comprendre le projet patient de Dieu à nous vouloir héritiers de sa Vigne. Il nous confirme aussi qu’en Sa personne «s’accomplit tout ce qui a été écrit dans la loi de Moise, des prophètes et des psaumes» (Lc 24, 44-45).
«Livré pour nous». Mais une question demeure : «pourquoi » être envoyé pour servir blesse tant celui qui sert ? « Pourquoi» toute vie de service, toute forme de disponibilité à servir est et a toujours été depuis nos origines un chemin d’anéantissement? Cette question nous hante et nous poursuit sans cesse. Pourtant, c’est le chemin du service réussi. C’est le chemin qui fait que «lorsque les bons et mauvais habitent ensemble, souvent les mauvais s’améliorent et les bons n’en deviennent que meilleurs et plus raffinés » (Baudouin de Ford).
Contemplatives, contemplatifs, le drame de l’héritier, choisi pour servir, est le chemin de tout croyant. Pour faire nôtre ce chemin, il nous faut au quotidien entrer dans cette nuée du Thabor pour entrevoir, ne serait-ce qu’un seul instant, la splendeur d’une vie de service, d’une vie transfigurée par le service de Père. Cette page est notre histoire. Nous sommes des « messies souffrants », héritiers pour prolonger dans le temps Sa mission et son chemin de salut. Pas facile que de déployer en nous dans toute son ampleur, ce mystère du fils héritier, ce mystère d’être « envoyés, choisis par le Père » «pour lui remettre en temps voulu le produit de la vigne ».
Une telle manière de vivre ne se comprend que dans la contemplation de ces mots de Maurice Zundel : « Quand l'Amour ne rencontre pas l'amour, quand il se heurte de plus en plus à un refus obstiné, il reste impuissant et ne peut plus offrir rien d'autre que ses propres blessures. Dieu précisément meurt ainsi de tous nos refus (de le recevoir) et c'est ce que signifie dans l'Histoire la mort de Jésus Christ. (Maurice Zundel, Ta Parole comme une source. Éditions Anne Sigier, p. 287) ».
À votre contemplation, une question incontournable «comment les chrétiens peuvent-ils s’attacher à quelqu’un qui a subit les pires supplices? » Comment pouvons-nous comme chrétiens, moniales tellement nous attacher à célébrer cette eucharistie qui nous configure à partager le chemin de cet héritier du Père ? Oui, nous sommes des héritiers d’une manière de vivre, de servir dont le fruit savoureux exige une série de Pâques, de naissance constante. Sommes-nous prêts à être choisis, envoyés dans la vigne de notre monde quand le prix de la réussite est celui d’être «eucharistié». « « Seigneur devance tes serviteurs pour leur permettre de bien célébrer ces mystères et aide nous à rester à ton service ». AMEN