2007-C : Matt. 21,33-43 Vendredi 2e semaine Carême - : serviteurs de la vigne tués
Année C : Vendredi 2ième semaine du Carême (Litcc02v.07)
Matt. 21,33-43 : serviteurs de la vigne tués
Deux regards s’affrontent : celui du propriétaire qui offre une vigne non encombrée de ronces, une vigne plantureuse prête à donner de bon fruit. Rien ne manque à sa beauté : clôture, pressoir. Ces images remontent à Isaïe « La vigne du Seigneur, c’est la Maison d’Israël »(Ch.5). Étonnant, ce proprio accepte de ne pas s’imposer parce que le « plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Judas». Regard de confiance, de folie de confiance, de respect inviolable du travailleur, regard qui dynamise, élève. Ce regard imprenable d’une telle beauté, nous laisse anticiper que rien ne pourra l’ébranler dans sa recherche de convivialité avec sa Vigne, « lui qui fait lever son soleil sur les bons comme sur les méchants ». Rien ne pourra porter atteinte à ce « Soleil qui continuera à se lever, à briller sur le monde », même si nous nous dérobons à sa chaleur en fermant nos fenêtres pour en empêcher les rayons d’y entrer.
De l’autre, des regards aveuglés par la productivité de la vigne, par sa prospérité. Regards tellement obnubilés par le profit que toute forme d’ingérence, de partage même avec le propriétaire des lieux, devenait impensables. Ces regards ne voyaient pas la bonté incommensurable du propriétaire. Ils laissent deviner que le cœur des vignerons était devenu des « cœurs sans cœurs ». Ils ont bien reconnus la sollicitude du propriétaire. Ils n’ont pas vu la sollicitude elle-même.
Deux regards. Deux chemins, l’un d’en haut, et l’autre « pétri de la terre ».Deux sortes d’amour. Un amour qui libère. Un amour « possessif ». Deux manières de vivre. Nous sommes en présence ici d’un Dieu qui n'est pas d'abord surenchère de nos obsessions de puissance, mais invitation et liberté, persuasion plus que commandement. Un Dieu qui s'offre et accepte d'être refusé. Cette confiance incroyable du propriétaire nous offre à voir une « petite idée » de la bonté du regard de Dieu sur nous, de « cette pierre angulaire » que rien ne pourra écraser. Pour citer Macaire, un père du désert « C’est l’humilité de Dieu qui nous empêche de le vaincre».Nous sommes ici devant «l’œuvre de Dieu»
Contemplatives, contemplatifs, « la pierre rejetée des bâtisseurs », c’est l’AMOUR. C’est une manière de vivre entre nous, une manière d’aimer. Cette parabole est l’histoire de nos amours ratés, de nos fausses manières de vivre, de nos regards aveuglés par le désir de tout s’approprier plutôt que de tout nous désapproprier. Elle est l’histoire de nos incapacités à pénétrer cette vérité incontournable « qu’as-tu que tu n’aies reçu? Et si tu l’a reçu pourquoi t’enorgueillir comme si tu ne l’avais pas reçu » (1 Cor4, 7). Elle confirme nos aveuglements à saisir que nos pauvretés, cette dépendance à un autre, c’est notre seule richesse. Chaque fois qu’il y a des ratés dans nos vies, nous perpétuons le scénario de cette parabole. Nous fermons nos fenêtres au regard de ce Soleil de bonté du Fils sur nous.
Il faut entrer dans la logique de Dieu : celle de vivre à une infini distance de toute appropriation, même de nos vies. Il faut sans cesse savourer ce regard admirable du propriétaire tout en sachant que nous ne pourrons jamais en expliquer sa perfection. Question : Dans tout ce que nous essayons de bâtir, que ce soit une amitié, un foyer, de nouveaux aménagements paroissiaux, un monastère dans l’esprit authentique de Madame Claire, ce regard de Jésus demeure-t-il vraiment notre « pierre d’angle »? Ne soyons pas trop sévère pour ces vignerons. Nous leur ressemblons, nous agissons comme eux que nous vivons obnubilés par nos besoins.
À votre contemplation : Le dernier mot de l’Histoire appartient à ce regard de bonté du propriétaire. Il veut réussir à faire de nous « des vases ornés de pierres précieuses ». Seuls "les yeux illuminés du cœur" (E 1,18), les yeux qui veillent dans la foi, les yeux agrandis par l'espérance, voient cela. Seuls des yeux éclairés par la contemplation saisissent que la décision de tuer aujourd’hui encore l’Envoyé, ce Fils bien-aimé dont clamait la Voix du Père sur la montagne de a Transfiguration, est le chemin, dans les beaux mots de Macaire « pour devenir par grâce ce que Dieu est par nature ». Bonté suprême. L’éliminer, cet Envoyé, c’est lui faire la grâce de nous gratifier de son meilleur vin : celui de son sang livré pour nous. « C’est là l’œuvre du Seigneur, une merveille (maintenant) sous nos yeux ». AMEN