2012-B: Mardi 3e semaine carême - Mtt 18, 21-25 : et toi envers qui es-tu en dette ?
Année B: Mardi 3e semaine CARÊME (Litbc03m.12)
Matthieu 18, 21-25 : et toi envers qui es-tu en dette ?
Seigneur, enseigne-moi tes voies, fais moi connaître ta route (Ps 24). Oublie ton ressentiment contre moi (Ps 84). Merveille de la Liturgie des psaumes qui nous rend contemporains de cette prière-demande. A mi-temps de notre carême, l'évangile de Matthieu porte la signature du vrai chrétien. Son accomplissement séduira notre entourage qui s'écrira : nous n'avons jamais rien vu de pareil. Mais ce jamais rien vu de pareil que nous présente cette parabole, est plus facilement «prêché» - pas seulement par les homélistes ! - du bout des lèvres qu'avec le cœur. Jésus qui est tous les jours avec nous jusqu'à la fin des temps, ne cesse de nous envoyer son Esprit pour que nous accomplissions des choses encore bien plus grandes que lui ! C'est un impossible nécessaire. Incontournable chemin d'évangélisation.
Nous contemplons ce matin l'identité profonde de Jésus, notre spécificité de chrétiens. Dans cette parabole, il nous montre son cœur divin, son être profond. En nous invitant à agir comme lui, il affirme que notre être profond est le sien, que nous sommes aujourd'hui des images de son image (Jean Chrysostome).
Par cette parabole, nous sommes en pleine vie de foi, de cette foi qui nous introduit dans le mystère de la mi-séricorde, révélé à son plus haut degré en Jésus et qui pousse au dehors de nos vies des attitudes et comportements moins qu'humains, comme vient de le démontrer cette parabole. Le pardon - mot trop superficiellement entendu - de Dieu ne devient effectif que s'il est réellement accompli. Refuser d'agir comme Dieu à notre endroit, c'est rendre inopérant le pardon de Dieu en nous.
Si dans l'Ancien Testament, on demande : allez apprendre ce que signifie c'est la miséricorde que je veux et non les sacrifices (Mt. 9, 13, citant Os 6,6), avec Jésus, cela devient un commandement. Être miséricordieux comme votre Père est miséricordieux (Lc 6, 36)qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons (Mt 5, 45).
Cette page-parabole ouvre nos vies sur un affrontement entre, selon la belle expression de Jean Vanier, le temple et la miséricorde, le temple où nous cultivons jusqu'à l'idolâtrie nos «moi» avec comme conséquence de nous fermer aux autres et la miséricorde qui confirme que notre chez moi, notre cœur, est le sien. Est-il possible mon Dieu que vous soyez mon chez moi ? Ô que de joie à penser que mon chez moi est tel [que le tien] (Jean de Bernières, 1602-1659; voir Carêmes pour cancres, 2012, p.16).
Cette parabole, si nous la vivons avec le cœur, nous ressuscite, mais ressuscite aussi. Jésus, à travers cette image, nous dit: ressuscite, ressuscite avec moi, pour ressusciter autour de toi une manière neuve de vivre, une manière tellement humaine qu'elle nous rend semblables à Dieu jusqu'à engendrer un nouveau monde.
Saintetés, sommes-nous, aujourd’hui, ces émerveillés, émerveillés d’être en présence d'un tel Maître, émerveillés de recevoir son pardon, émerveillés de nous voir invités à agir comme lui ? Sommes-nous ce peuple de la louange qu’annonçait le prophète Isaïe: Voici que je fais un monde nouveau. Sommes-nous les témoins de cette Nouveauté dont le monde a tant besoin ?
A mi-carême, Jésus nous pousse à l'audace d'engendrer une terre sainte, une terre où éclate la béatitude des doux, des miséricordieux, des pacifiques (Mt 5, 4) et qui nous introduit dans une autre terre préparée pour nous dans les cieux. Audace de vivre en ressuscité et de ressusciter, d'engendrer autour de nous une manière nouvelle de vivre. Audace d'offrir ne serait-ce qu'un sourire qui nous apaise et apaise nos débiteurs. Audace de montrer que nous sommes chrétiens, des «saintetés» en acte.
À votre contemplation : inutile, dit Thérèse d'Avila, au seuil de la 7e demeure, de vivre recueillie dans la solitude si aussitôt sortie de là, à la moindre occasion, je fais le contraire. Quel émerveillement de bâtir nos vies sur cette certitude que Dieune regarde pas l'apparence comme font les hommes, [qu'] il sonde les reins et les cœurs (1 Sm 16, 7).AMEN.